L’Assemblée nationale constituante(ANC) a adopté, dimanche soir, le projet de loi de finances 2014, avec 99 voix pour, 10 contre et 14 absentions. L’ajout d’un article portant sur la création d’un fonds de la dignité au profit des victimes de la dictature a suscité une grande polémique dans les rangs des députés.
Cette proposition a été approuvée par 87 constituants, et refusée par 13 autres contre 19 absentions. Les constituants du groupe du mouvement Ennahdha ont tenu bon à faire passer au vote cette proposition, estimant que l’article relatif à la création du fonds en question dans le cadre de la loi de finances vient complémenter l’article 19 de la loi sur la justice transitionnelle.
Outre sa contribution à la garantie des droits des victimes de la dictature, cet article est sain aux plans juridique et en matière de procédures, ont-ils argué. Sur ce point, M.Elyes Fakhfakh, ministre des finances a indiqué que cet article est biaisé en tenant compte des critères de forme, en raison de l’existence déjà d’une législation régissant la création des fonds spécifiques.
Il a évoqué la possibilité d’ouvrir un compte devant collecter les fonds de participation à la création de cette structure, et ce, sur décision du ministre des finances. De son côté, Chedly El Abed, secrétaire d’état aux finances, a indiqué que ce fonds sera crée au profit de l’instance de la vérité et de la dignité qui jouit d’une indépendance matérielle et morale, selon la loi de la justice transitionnelle.
En plus, dans l’alternative où ce fonds sera financé par le budget de l’état, le responsable a fait état de l’absence de ressources nécessaires pour son financement dans le cadre du budget de 2014. Au cours de cette séance, l’ANC a adopté les articles 78, 79, 80, 81, 84 et 85 de la loi de finances 2014, après le retrait par les constituants, des révisions qu’ils ont proposé auparavant.
La modification de l’article 56 portant sur l’imposition d’une taxe foncière, telle que proposée par «Ettakatol », a été également approuvée, lors de cette séance, donnant lieu à l’adoption dudit article après révision.
Un nombre d’élus ont proposé l’ajout d’autres articles au projet de loi des finances pour l’exercice 2014, dont un relatif à l’audit de l’endettement extérieur du pays, laquelle (proposition) n’a pas été acceptée.
Le ministre des finances Elyes Fakhfakh, a souligné que le dossier de la dette extérieure est très sensible, d’autant plus qu’il est lié à toutes les entreprises. Et de préciser que l’audit de la dette engendre le gel de toute opération d’endettement supplémentaire, ce qui n’est possible en cette conjoncture délicate.
Les élus ont demandé également la levée du secret bancaire et professionnel, qui a été rejetée par l’ANC. Défendant cette proposition, la constituante Noura Ben Hcine a indiqué qu’elle permettra de lutter contre l’évasion fiscale et le financement du terrorisme.
Pour le ministre des finances, même si cette proposition est importante, elle constitue néanmoins un facteur de risque au niveau du taux d’épargne. D’autres députés ont proposé d’annuler la redevance TV et de présenter le budget de la télévision nationale devant la prochaine assemblée législatif.
cette proposition a été rejetée. M. Fakhfakh a indiqué que le budget d’une entreprise publique ne peut être présenté devant l’ANC qui a toutefois le droit de demander l’examen de tous les documents relatifs au budget.
Les constituants ont par ailleurs rejetée un nouveau article relatif à l’exonération des avocats stagiaires de l’impôt sur les bénéfices et accepté l’ajout d’un nouveau article qui fixe les méthodes de recouvrement de l’impôt, lors des opérations de cession des actions entre les personnes non résidentes. Un nombre d’élus ont proposé d’ajouter un article concernant les anciens militaires.
A ce sujet, l’élue, Yamina Zoghlami a proposé de les faire bénéficier au moins d’une pension de retraite. Et d’expliquer, qu’en vertu de l’amnistie générale, il est impossible aux militaires licenciés abusivement de rejoindre leurs postes. Le chef du gouvernement provisoire, Ali Laârayedh a souligné dans ce contexte que le gouvernement a examiné ce sujet mais il n’a pas abouti jusqu’à l’heure à une formule adéquate pour indemniser les anciens militaires. « Nous avons opté pour une solution hors de la loi des finances », a-t-il indiqué. Cet article n’a pas été approuvé.
Les constituants ont proposé l’ajout d’un article pour prolonger, jusqu’au mois de mars 2014, la loi sur le recrutement direct dans la fonction publique (la date de validité a été fixée à juin 2013). La constituante Samia Abbou a mis l’accent sur la nécessité de rejeter cette proposition, précisant que le recrutement au sein de la fonction publique se déroule sur concours.
Le député Abdellatif Abid a rappelé que cette loi a été critiquée l’année écoulée par les composantes de la société civile et les associations de chômeurs. Le constituant Mouldi Riahi a indiqué que les constituants parlent de dépenses sans préciser leurs ressources de financement, évoquant dans ce cadre la proposition de création du fonds de la dignité pour dédommager les victimes de la dictature.
Cette proposition a été retirée sans passer au vote. Les constituants ont adopté les amendements des articles 35 et 108 et rejeté l’amendement de l’article 32 et la suppression du 2ème paragraphe de l’article 72. Le député Hédi Chaouch a proposé l’amendement de l’article 32 relatif à l’annulation de l’imposition d’une TVA (taxe à la valeur ajoutée de 10%) sur les entreprises exportatrices pour une année supplémentaire.
Le ministre a refusé l’examen de cette proposition, soulignant qu’il n’a pas reçu cette suggestion et a demandé à la présidente de la séance, Mehrezia Laabidi, de ne pas en tenir compte. Le président de la commission des finances Ferjani Doghmane qui a suggéré cette proposition, a contesté la façon de parler du ministre qui a provoqué la protestation d’un nombre de constituants lesquels ont menacé de quitter la séance.
Le ministre s’est excusé auprès des constituants et a rappelé que les propositions doivent être présentées dans les délais fixés. La proposition qui concerne l’article 32 a été rejetée. Après l’adoption de la loi de finances pour l’exercice 2014, le Chef du gouvernement Ali Larayedh a mis l’accent sur les efforts qui ont été déployés par l’équipe gouvernementale en vue « de servir le peuple et répondre aux objectifs de la Révolution ». « Le gouvernement accepte les critiques qui atteignent parfois le niveau de dénigrement, d’injure et de provocation politique », a affirmé le chef du gouvernement.