Jeune élue CPR, Ikbal Msadaa est membre de deux commissions au sein de l’Assemblée constituante, conseillère du président de la République et mère de deux filles en bas âge. Portrait.
Des dossiers sous les bras, son iPad à la main, Ikbal Msadaa reçoit dans les fauteuils du couloir du Palais du Bardo. Cette mère de deux filles en bas âge multiplie les casquettes : députée du Congrès pour la République, membre de deux commissions au sein de l’Assemblée nationale constituante et conseillère du président de la République sur le dossier des martyrs et blessés de la révolution. «Parfois, ce n’est pas évident à gérer», avoue-t-elle, tout en se félicitant des avancées du dossier des blessés [Une trentaine de personnes à été envoyée à l’étranger pour se faire soigner, grâce à un budget de 500.000 dinars, tirés d’une « caisse noire » découverte au Palais de Carthage].
Appels des blessés, gestion des factures, mais aussi discussions à l’Assemblée, dans les commissions… « Ce n’est qu’une fois qu’on est dedans qu’on se rend compte de la charge de travail », admet l’élue, également deuxième rapporteur de la commission constitutionnelle des pouvoirs législatif, exécutif et des relations entre eux. «J’ai choisi cette commission pour construire un régime démocratique. Il était inévitable pour moi qu’il y ait deux têtes à l’exécutif », déclare-t-elle, alors que les débats ont été houleux, voire au point mort, jusqu’à ce qu‘Ennahda accepte la mise en place d’un régime mixte. « On essaie d’avoir le plus de consensus possible, mais il y a encore beaucoup de blocages autour des pouvoirs du président », note cette ingénieur de formation.
Rupture avec le passé
Car rien ne destinait cette trentenaire à faire de la politique. En 2010, elle décroche sa thèse en informatique et réseau décrochée à l’institut Eurecom à Sophia-Antipolis, à Nice. Lorsqu’elle était plus jeune, la politique n’était pas un sujet de conversation à la maison. « Notre famille a souffert du manque de liberté d’expression, comme tout le monde, mais la dictature ne nous a pas autant affectée que certaines personnes qui vivent en région », avoue sa mère, Samira Bekir, inspecteur en chef des impôts à Bizerte. Et lorsque Ikbal part terminer ses études en France, en 2007, elle découvre, à travers son mari, la réalité du régime. « Il m’a montré plusieurs sites Internet. J’étais consciente qu’il n’y avait pas de liberté d’expression puisqu’on ne pouvait avoir confiance en personne, mais ce n’est qu’une fois à l’étranger qu’on réalise les horreurs, la pression sur l’opposition, la mafia, les sommes d’argent dépensées… », crache cette élue qui s’est engagée en politique pour « rompre avec le passé ».
Son choix s’est porté vers le CPR pour son « côté radical envers l’ancien régime ». « Ces personnes ne doivent pas faire de la politique », fustige celle qui a voté contre la nomination de Chedli Ayari, à la tête de la Banque centrale de Tunisie. « C’est une ligne rouge pour le parti. Ce ne sont pas les compétences qui manquent. Il ne fallait pas aller chercher dans le passé. On peut comprendre la décision du président : si deux des trois membres de la coalition s’entendent, le troisième suit. Mais nous, à l’Assemblée, nous ne sommes pas obligés de suivre », lâche cette élue pays arabe et reste du monde d’un ton espiègle.
« On est en train de se mentir »
Et la troïka semble de plus en plus mise à mal. Certains membres du parti du président de la République évoquent un possible retrait de la coalition au pouvoir. « Des discussions sont en cours », avoue la jeune femme. Des pourparlers se tiendront les 10 et 11 novembre prochain lors du conseil national du CPR. « Il y a des décisions, au sein de la troika, qui sont prises de manière unilatérale, comme pour les nominations. On ne veut pas forcément placer des personnes du CPR, mais au moins qu’on nous consulte ! En l’absence de cette philosophie au sein de la troïka, cela ne sert à rien. On est en train de se mentir », constate Ikbal Msadaa, qui ne regrette pas la naissance de la troika : « cette période ne pouvait être gérée qu’avec un gouvernement d’unité nationale. Malheureusement, dès le départ, des partis sont restés dans l’opposition ».
Sa mère, elle, craint qu’elle soit «déçue». «L’avenir est flou, mais Ikbal prend ça comme un devoir. Elle s’y donne corps et âmes. Alors on l’aide comme on peut », raconte Samira alors qu’Ikbal Msadaa est rentrée une année chez ses parents, à Bizerte, avant de s’installer à Tunis. « Petit à petit, les choses se mettent en place », sourit la députée, mais les questions demeurent. « Je ne sais pas si je remplis ma mission comme il faut. C’est une très grande responsabilité. Est-ce-que je suis à la bonne place ? Est-ce-que je ne pouvais pas faire plus pour ça ? », s’interroge-t-elle constamment alors que ses électeurs lui reprochent de ne pas communiquer. « Il est vrai que quand j’ai 20 minutes, je me concentre plus sur le travail que sur ma page Facebook », rit la jeune femme qualifiée de studieuse par ses proches. Mais dorénavant, elle a l’air bien déterminée à vouloir en dire plus sur ses activités.
Source: Tekiano
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