Depuis plusieurs mois, en tant que responsable des questions de santé auprès de François Hollande, je parcours la France à la rencontre de nos concitoyens, pour débattre avec eux de l’avenir de notre protection sociale et de l’accès aux soins dans notre pays.
En effet, contrairement à 2007 – où l’on n’avait tout simplement pas abordé la santé – on sent en 2012 chez les Français, les élus locaux, les candidats aux législatives une envie de s’emparer des problématiques de santé. De très nombreuses invitations ont donc été adressées à l’équipe de campagne pour représenter le candidat sur ce thème.
Au cours de ces échanges, les Français que j’ai rencontrés m’ont fait part de leurs interrogations multiples, de leurs angoisses souvent légitimes, et de leurs attentes. Ce tour de France a aussi été ponctué de nombreuses tables rondes avec des acteurs du monde de la santé, qui m’ont permis d’échanger avec des médecins généralistes, des infirmières, des praticiens hospitaliers, des aides soignants, des sages-femmes, des chercheurs, des étudiants en médecine.
J’ai écouté leurs témoignages, la difficulté de leurs activités au quotidien, leur engagement auprès de leurs patients, leur attachement à leurs métiers. J’ai aussi entendu leurs craintes face à l’avenir. Pour le leur, bien-sûr, mais surtout pour celui de leur patientèle quand, après de nombreuses années de service, épuisés, ils décrochent leur plaque en sachant qu’il n’y a personne derrière eux pour prendre le relais.
Lors de ces déplacements, j’ai vu des services d’urgence engorgés, comme celui de Clermont-de-l’Oise (Oise) qui se trouve dans l’un des départements à la densité médicale la plus faible de France, ou celui du centre hospitalier de Gonesse (Val d’Oise) qui assure les trois-quarts des urgences générales, psychiatriques et pédiatriques de son territoire de santé.
J’ai mesuré les effets de la pénurie de médecins dans des territoires de plus en plus nombreux, dans nos campagnes comme dans nos quartiers. La désertification médicale s’étend, dans les territoires enclavés comme celui de la Vallée d’Aulps (Haute-Savoie) où les élus locaux se battent pour préserver l’accès aux soins. Dans nos banlieues, comme la cité Verneau (Maine et Loire) où plus de la moitié des patients sont titulaires de la CMU. Dans les deux cas, l’exercice médical regroupé dans le cadre de maisons de santé pluridisciplinaire paraît pouvoir apporter une solution durable.
Enfin, j’ai pu visiter des établissements d’exception, qu’il s’agisse de la maternité des Bluets (Paris), pionnière en matière de prise en charge globale de la périnatalité, de l’Oncopôle de Toulouse, centre unique en Europe de lutte contre le cancer, ou encore de l’unité d’accueil et de soins pour les patients sourds de l’hôpital de la Conception (Marseille).
Au-delà des discours, des chiffres et des principes, ces rencontres m’ont confirmé que la santé est une préoccupation majeure des Français. Partout, dans le Calvados comme dans le Loiret, à Strasbourg comme à Aix en Provence, à Saint-Maurice, à Nancy, à Grenoble, à Nantes, j’ai entendu les mêmes questions… Quel que soit le profil des personnes rencontrées – médecins en burn-out, patients qui ont dû renoncer à un soin faute de moyens, urgentistes en butte à une agressivité croissante – le désarroi était le même. J’ai ressenti la détresse des malades qui ne peuvent plus se soigner, le découragement des professionnels maltraités par le dogme de l’hôpital-entreprise.
Ces inquiétudes sont parfaitement légitimes car, après cinq ans de Sarkozy, notre système de santé, hier fierté nationale, est gravement menacé. Notre système de protection sociale, au coeur du contrat social, est aujourd’hui en crise : il ne parvient plus à assurer l’égalité devant la santé. Trop médical et curatif, insuffisamment sanitaire et préventif, fragmenté et désorganisé, il subit déjà, et demain plus encore, le choc de la démographie médicale et le choc épidémiologique de la montée des maladies chroniques.
Les échanges que j’ai eu au cours de ces déplacements nourrissent jour après jour le constat sans appel du bilan catastrophique du Président sortant en matière de santé. Sa vision purement comptable et sa tentation idéologique de privatiser la santé ont eu un impact délétère sur le quotidien des Français. Loin d’apporter les réponses nécessaires, la politique menée par Nicolas Sarkozy a contribué à aggraver la situation. La loi HPST de Mme Bachelot a développé une vision bureaucratique et étatiste de la santé. Les professionnels de santé ont été méprisés, comme lors du fiasco de la grippe H1N1. Les scandales sanitaires se sont multipliés. Certaines catégories de malades ont été stigmatisées. Le quinquennat qui s’achève aura été marqué par une passivité coupable face aux problèmes croissants d’accès aux soins et de crise sanitaire et sociale. Les difficultés exprimées par les Français sont l’un des symptômes les plus criants de l’échec dramatique de M. Sarkozy. Echec que la crise économique ne suffit pas à expliquer.
Le changement est donc nécessaire pour qu’une politique de santé ambitieuse, efficace et solidaire soit enfin mise en oeuvre pour répondre aux préoccupations concrètes des Français : pénurie de médecins, explosion des dépassements d’honoraires, allongement des délais d’obtention de rendez-vous, etc…
Pour ce faire, elle s’appuiera sur une conviction profonde : la santé est un facteur essentiel de progrès social et de développement économique dans nos sociétés contemporaines. C’est un investissement d’avenir qui favorise la croissance, crée des emplois non délocalisables tout en garantissant la cohésion sociale de notre pays.
Très tôt dans cette campagne, François Hollande a pris des engagements précis et forts. Il a affirmé sa volonté de réorganiser la médecine de premier recours, de rétablir le service public hospitalier et de donner un nouvel élan aux politiques de prévention.
Les principales mesures proposées vont dans ce sens, conjuguant justice et efficacité : la fin du principe de convergence tarifaire entre le public et le privé, la garantie d’un accès aux urgences à tous dans un délai de 30 minutes maximum, la création d’un pôle de santé de proximité dans chaque territoire, l’encadrement des dépassements d’honoraires, le plan d’accompagnement pour l’installation des jeunes médecins, la baisse du prix des médicaments, la reconnaissance pleine et entière du rôle des associations de patients dans la démocratie sanitaire, le redressement des comptes de l’assurance-maladie… Enfin, notre politique de santé ne se réduira pas à une démarche médicale, mais intègrera l’information, la prévention et l’éducation à la santé. La santé doit dépasser le champ strictement médical pour être pensée au quotidien dans le champ du travail, de l’environnement, et dès le plus jeune âge, en crèche ou à l’école.
A l’issue de ce tour de France, mon diagnostic est clair : notre système de santé est malade. Malade d’une politique qui ne répond pas aux défis actuels, et qui aggrave ses déséquilibres et ses inégalités. Mais ce mal n’est pas incurable. Pour le rétablissement de notre santé, un changement de traitement est nécessaire. Je prescris une mobilisation massive pour François Hollande.
Blog de Jean-Marie Le Guen