La sécurité est devenue, hélas, la principale préoccupation en Tunisie. Au regard de la multiplicité des agressions perpétrées, partout dans le pays, par des salafistes moyenâgeux, sans foi ni loi, les Tunisiens sont de plus en plus persuadés que la police, à défaut d’ordres clairs et cohérents de sa hiérarchie, est incapable de les défendre. Certains corps professionnels, de par la sensibilité de leur métier et de par leur exposition quotidienne à un vandalisme d’autres temps, revendiquent leurs propres polices. Il s’agit, particulièrement des artistes, des médecins et autres juges. Des professions prises pour cibles désormais comme ce qui se passe dans les favelas du Brésil – avec leurs criminels mafieux et leurs groupes d’autodéfense. Alors de là à dire que la “favelisation“ du pays est en marche il y a un pas qu’on n’hésite plus à franchir !
Concernant les médecins, la situation est devenue intenable. Pour protester contre l’incapacité de la police d’assurer la sécurité au sein des hôpitaux, le syndicat national des médecins, pharmaciens et dentistes hospitalo-universitaires a décidé d’observer une grève de deux jours (30 & 31 mai 2012). Il sera relayé par le syndicat des internes et des résidents (les 5, 6 et 7 juin prochain).
Selon des statistiques fournies par le syndicat des internes et des résidents en médecine de Tunis, en moins d’une année, plus de 272 médecins ont subi des violences verbales et physiques, outre les incivilités devenues quasi quotidiennes.
Pour ne citer que les cas les plus récents, ce même syndicat cite l’agression perpétrée, en ce mois de mai 2012, contre un urgentiste de l’hôpital La Rabta (Tunis), agression qui lui a causé un traumatisme crânien sévère. Autre cas, celui de cet orthopédiste résident qui a été agressé à l’hôpital régional de Bizerte et qui a dû être admis à son tour en réanimation.
Conscient de la situation, Abdellatif Mekki, ministre de la Santé publique, a annoncé la création d’une nouvelle fonction, celle de directeur de la sécurité au sein de chaque établissement hospitalier lequel sera chargé de gérer un corps d’agents de sécurité, formés à cette fin.
Viennent ensuite les magistrats qui travaillent, pour le moins qu’on puisse dire, dans des conditions extrêmement difficiles, notamment avec cette déplorable tendance de certains proches des inculpés à utiliser la violence pour les libérer en plein procès (à Sousse, à Sfax et dans d’autres régions).
Après les incendies de juridictions, à Sidi Bouzid et le lynchage d’un juge à Jendouba, des mesures exceptionnelles ont été prises en partenariat avec le ministère de la Justice et les ministères de la Défense nationale et de l’Intérieur en vue de renforcer la sécurité au sein du tribunal de première instance de Tunis et des tribunaux de Kébili, Médenine et Jendouba, en attendant de les généraliser aux autres tribunaux de la République.
Pour Raoudha Laâbidi, présidente du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), qui intervenait dans le cadre d’une émission diffusée juste après le journal de 20 heures, il y a environ 3 jours, a exigé de doter les tribunaux d’une police spéciale qui obéirait non pas aux ordres «flous» du ministère de l’Intérieur mais à ceux des structures représentatives des magistrats.
Au-delà de la légitimité des revendications de ces corps, il existe d’autres métiers qui sont menacés quotidiennement dans leur intégrité physique. Au nombre de ceux-ci figurent les journalistes et les entreprises de presse. Selon Reporters Sans frontières (RSF), depuis l’avènement de la révolution le 14 janvier 2011, pas moins de 25 journalistes tunisiens ont été agressés, lors de l’exercice de leur métier tandis qu’une douzaine au moins de médias audio visuels et électroniques ont été attaqués, le plus souvent d’une manière très lâche.
Autres métiers quotidiennement agressés, les agents de police (manifestation de protestation du 13 mai 2012, à Tunis), chauffeurs de bus et de métro et de taxis, douaniers, instituteurs et professeurs, contrôleurs d’impôts …
La question qui se pose dès lors, si les symboles de la République, en l’occurrence l’ordre, la liberté et la justice souffrent d’un déficit de sécurité minimale, celle-là même qui leur permet d’exercer leur profession, qu’en est-il du simple citoyen sans voix?
C’est pour dire que ce déficit criard et scandaleux de sécurité dans le pays doit interpeller, en premier lieu, le ministère de l’Intérieur chargé d’assurer, constitutionnellement, la sécurité des Tunisiens sans distinction.
Aux dernières nouvelles, des comités d’autodéfense ont été créés dans plusieurs villes du pays, notamment à Sfax et à Jendouba. La fuite en avant, dites-vous?
Sans commentaire.
Abou SARRA
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