Tunisie : Divergences sur l’inscription du Conseil Suprême Islamique dans la Constitution

La Commission des instances constitutionnelles a examiné, mardi, une proposition présentée par le groupe Ennahdha appelant à l’inscription du Conseil suprême Islamique dans la Constitution.

Les groupes alliés d’Ennahdha et ceux de l’opposition ont exprimé des réserves concernant cette proposition qui risque, ont-ils estimé, d’aboutir à l’établissement d’une autorité religieuse parallèle au pouvoir civil, qui bénéficie de l’unanimité de l’ensemble des forces vives dans le pays.

Concernant cette question, la Commission a auditionné le penseur Hmida Ennaïfar qui a défendu dans son intervention l’idée de l’inscription dans la Constitution du Conseil suprême islamique et a soutenu la nécessité d’assurer son indépendance du pouvoir politique et une représentativité de l’ensemble de la société tunisienne de manière à promouvoir le discours religieux, la pensée islamique tunisienne moderne et l’affirmation de la coexistence entre les musulmans eux-mêmes mais aussi entre les musulmans et les autres groupes.

L’article premier de la Constitution, a-t-il dit, stipule que la religion de l’Etat tunisien est l’Islam. «Nous ne disposons ni d’un référentiel islamique en Tunisie qui confirme le contenu de l’article premier de la Constitution ni d’une autorité religieuse scientifique et historique », a souligné M. Annaïfar, indiquant que l’autorité représentée par le penseur tunisien Tahar Ben Achour avait été mise à l’écart par le pouvoir politique.

Les membres de la Commission ont soutenu l’idée de mise en place d’un Conseil suprême islamique qui serait chargé des aspects religieux dans le quotidien des Tunisiens bien que les débats n’aient pas abouti à un consensus concernant l’inscription de cette instance dans la Constitution.

Le président de la Commission des instances constitutionnelles, Jamel Touir (Ettakatol), a indiqué que l’inscription dans la Constitution du conseil suprême islamique risque de créer une rivalité et de poser des problèmes d’ordre constitutionnel entre cette instance et d’autres instances à l’instar du tribunal constitutionnel ou de le mettre en concurrence avec le pouvoir législatif.

« Il serait préférable que le Conseil soit maintenu à un niveau inférieur à celui de la Constitution et que le discours religieux demeure loin des rivalités », a précisé M. Touir.

De son côté, Madame Nadia Chaabane (groupe démocratique) a fait part de ses inquiétudes devant le risque que le Conseil suprême islamique soit investi d’un pouvoir parallèle et donne naissance par conséquent à une catégorie de responsables religieux disposant d’un pouvoir démesuré mettant en péril les fondements d’un Etat moderne.

Pour Karim Krifa (Groupe démocratique), le Conseil suprême islamique risque de poser des problèmes dans la mesure où il peut se transformer en moyen pour changer le modèle de société en Tunisie, de s’approprier de références plus fortes que celles du pouvoir politique et économique et de s’imposer comme une instance législative décisionnelle.

Face à ces critiques, les constituants appartenant au Mouvement Ennahdha ont affirmé que cette instance défendra « un islam modéré ». Madame Habiba Triki a proposé à cet égard que le Conseil « soit une autorité consultative obligatoire et non pas une autorité décisionnelle».