“La corruption ne peut prospérer qu’à l’abri des regards de la loi”, a déclaré Jean- Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la Vie publique en France.
Nadal, natif de Tunisie, intervenait à un atelier sur le thème “vers la validation d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption” co-organisé à Tunis par l’ARP, l’Instance nationale de lutte contre la corruption, la Présidence du gouvernement et le PNUD (programme des nations unis pour le développement).
Pour lui, la corruption doit être combattue avec détermination en Tunisie, car c’était l’élément déclencheur de la révolution. Il y a aujourd’hui, une prise de conscience du fléau dans le pays qui est désormais doté, des institutions nécessaires pour combattre la corruption.
Toutefois, ce fléau qui gangrène l’économie et empêche toute croissance ne peut être éradiqué «sans un engagement de l’administration et de la justice et sans l’effet puissant des mesures préventives par le biais d’une activité intellectuelle de bon niveau (campagne de sensibilisation du public et des médias) », a-t-il développé.
Selon Nadal, il faut encore des mesures répressives pour dissuader les corrupteurs et les corrompus, des mesures qui peuvent aller jusqu’à «obliger les agents publiques à signaler les pratiques de corruption ».
Il a considéré qu’il est aujourd’hui possible de créer une entité anti-corruption, “un Parquet national chargé des infractions fiscales et financières, des dispositifs qui peuvent frapper fort et rendre la lutte anti-corruption efficace”.
Créer un état d’esprit inhospitalier à la corruption
En Tunisie, les gens ne sont pas catégoriquement contre la corruption. C’est le constat d’une étude réalisée par l’association des contrôleurs publics sur la petite corruption qui fait perdre à la Tunisie 450 milliards de millimes par an.
Or, pour lutter efficacement contre ce fléau, «il faut un état d’esprit inhospitalier à toute forme de corruption. Une volonté commune de faire face à toute épreuve dans ce sens», selon Jean-louis Nadal.
Car, la corruption, en plus de ses répercussions sur la croissance et l’emploi ternit et dégrade l’image du pays. Il n’y a pas de lutte efficace sans une réponse plus globale et plus cohérente. Il faut renforcer la probité des agents publics et mobiliser tous les acteurs et ne négliger aucun angle allant de la déontologie jusqu’aux mécanismes financiers et aux outils de la justice», a-t-il expliqué.
L’étude sur la petite corruption en Tunisie dévoile que 75% des Tunisiens pensent que la petite corruption est à l’origine de la criminalité et du terrorisme et 74% d’entre eux reconnaissent qu’elle affecte le pouvoir d’achat du citoyen, 43% des enquêtés trouvent qu’elle est nécessaire pour arranger certaines transactions et 39% vont jusqu’à la qualifier d'”habitude”.
Les résultats de l’étude montrent une certaine acceptation globale de l’acte, bien que le tunisien perçoive la corruption comme une forme de décadence morale qui déroge aux principes de la religion,
84% des personnes questionnées non pas dénoncé des actes de corruption alors que que 91% des Tunisiens estiment qu’il faut dénoncer les pratiques de corruption pour lutter contre ce phénomène.
Sans l’effectivité des lois, la lutte reste vaine
D’après le président de la HATVP en France, la corruption nous impose des défis au quotidien. Donc, il faut que la réponse judiciaire soit consistante et doit répondre fermement aux atteintes à la probité publique.
«La faiblesse du pilier justice à un effet sur tout dispositif anti-corruption », a-t-il déclaré, relevant qu’il faut aussi responsabiliser les agents publics car sans la responsabilité les «politiques publiques restent virtuelles».
Il a recommandé aux institutions de lutte contre la corruption en Tunisie, de dresser un véritable état des lieux des législations en la matière, de simplifier les procédures administratives, d’impliquer la société civile en organisant des campagnes large public et d’assurer une meilleure traçabilité des marchés publics.
«Il ne faut pas tolérer l’impunité de ceux qui s’affranchissent de la probité publique et garantir un contrôle rigoureux interne et externe», a développé le responsable français.
D’après lui, il ne faut jamais négliger la petite corruption qui constitue «le terreau de la grande corruption». Il est nécessaire de décentraliser la décision pour détecter la corruption et répondre au plus vite aux contrevenants au niveau des institutions locales et laisser la place aux bonnes pratiques et à la traduction effective de toute lutte dans la gouvernance.
La lutte contre la corruption est perçue comme un défi majeur en Tunisie. Le pays bénéficie, depuis la révolution d’un appui du PNUD pour l’établissement d’un système national d’intégrité qui implique la société civile.
L’objectif est d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la corruption en se basant sur une approche participative en vue d’assurer le pilotage et la cohérence des efforts communs des parties prenantes et des acteurs concernés.
Le premier draft de cette stratégie est déjà élaboré. Il sera soumis, après consultations, à l’ARP pour validation et adoption.