“Je suis extrêmement ravie de voir le Challat de Tunis figurer parmi les neuf longs métrages en première internationale et mondiale à la sélection proposée par l’Acid ( Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) et émue qu’il soit choisi pour l’ouverture parce qu’il faut passer par un grand festival comme Cannes pour malheureusement espérer voir son film distribué”, a déclaré la cinéaste Kaouther Ben Hania à l’envoyée de l’agence TAP à Cannes.
Habitée par une forte émotion avant et après la projection-débat (écouter extraits video), la jeune cinéaste a relevé que cette projection “est une chance pour le film et pour sa carrière surtout que l’Acid uvre, et c’est ce qui est extraordinaire, pour la diffusion des petits films indépendants comme c’est le cas pour Challat. En plus, “plusieurs changements s’opèrent dans le secteur cinématographique en Tunisie avec notamment le Centre national du cinéma et de l’image (CNCI) qui prend forme et l’opération « la Tunisie terre de tournage », ce qui dénote une lueur d’espoir pour l’industrie du cinéma en Tunisie où émergent de nombreux films intéressants notamment dans le genre documentaire malgré la situation et l’état fragile des salles dans notre pays” regrette Kaouther.
Parlant de son film qui sera projeté pour la troisième fois au Cinéma Les Arcades le 24 mai, elle explique que ce travail est parti d’un fait divers (2003) “qui m’a inspiré et l’idée s’est nourrie de petit à petit pour en faire un film sur la perception du corps de la femme dans l’espace public afin d’accéder un petit peu dans la psychologie ou l’inconscience collective des Tunisiens sous un angle cinématographique où je peux creuser une nouvelle forme par rapport à ce sujet”.
En attendant l’écho cannois pour voir un peu la stratégie à adopter pour sa distribution, “j’espère que le Challat aura sa petite vie et ce grâce à la collaboration notamment de l’Institut français de Paris et à notre distributeur Jour2fête, et qu’il verra d’éventuelles sorties internationales après sa première sortie française prochainement, en dehors de la 67ème édition du festival de Cannes où il a été projeté en première internationale”, a mentionné la cinéaste, enthousiaste pour la destinée de cette co-production entre CTF de Habib Attia et la société aquitaine créée par Julie Paratian, Sister Productions.
Après ce premier long métrage, la cinéaste a affiché sa volonté de continuer “sûrement et toujours” à travailler avec le producteur de la boite Cinétéléfilms (CTF), pour un projet de long métrage qui est en cours de réécriture et un autre en écriture. “J’ai aussi un documentaire que je tourne à petits bouts depuis 2009 et que je terminerai probablement cette année. Intitulé “Zeineb n’aime pas la neige” ce documentaire qui traite l’intime, est le récit d’une petite fille tunisienne que je suis à l’écran depuis qu’elle est partie au Canada à un âge sensible entre l’enfance et l’adolescence”, explique-t-elle. Nous livrant un avant-goût de cette future production, elle confie “Zeineb se retrouve face à une nouvelle société où l’immigration bat son plein. En la suivant depuis des années, on la voit grandir à l’écran”.
Kaouther Ben Hania, originaire de Sidi Bouzid a fait des études de cinéma entre la Tunisie et la France. Le point de départ fut, comme elle l’a affirmé, la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (FTCA) : “c’est à ce moment là que tout a basculé dans ma vie dans la mesure où j’ai décidé de faire du cinéma et de se lancer dans l’école privée l’EDAC à Tunis”. Après avoir intégré l’atelier scénario de la Femis à Paris (Ecole Nationale supérieure des métiers de l’image et du son), elle suit une formation de haut niveau dans la discipline Arts du spectacle (Cinéma, Audiovisuel) à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 où elle a obtenu en 2008 un master pour son mémoire de recherche intitulé “Le documenteur : la fiction avec ou contre le documentaire ».
En tant que réalisatrice, elle a signé plusieurs courts métrages de fiction et de documentaires : ” Un film narcissique de K” (2001) , “La fenêtre” (2002), “La brèche” (2003), “Moi, ma sur et la chose” (premier court métrage professionnel, 2006), “Peau de Colle” (2013), la série animée en 3D “Tour of Science” pour la télévision Al-Jazeera Children (2011), le documentaire de 75 minutes “Les imams vont à l’école” (2010, un film qui a remporté d’énormes succès dans plusieurs festivals dont la 70ème Mostra de Venise en 2013) et “Le Challat de Tunis”, son premier long métrage, projeté le 15 mai, avant la soirée tunisienne organisée en l’honneur du film par les Groupements des professionnels du cinéma tunisien.
Rehaussée par la présence du ministre de la culture, Mourad Sakli, de l’ambassadeur et du consul de Tunisie en France, la soirée fut un moment jovial de rencontres entre la délégation tunisienne du ministère réunissant notamment Mounira Ben Hlima, directrice des arts audiovisuels, les membres des deux chambres syndicales des producteurs, le secrétaire général de la CNCI, Youssef Lachkhem et d’un grand nombre de cinéastes et producteurs tunisiens, les membres de l’ACID et plusieurs amis professionnels du cinéma étrangers.
Baptisée “La Tunisie terre de tournage” la soirée s’est déroulée aux Jardins du Grand Hôtel sur la Croisette à Cannes, où un grand drapeau tunisien accueillait les hôtes, venus en grand nombre déguster la pâtisserie locale sous le son de la musique orientale, qui emportée par un souffle de vent doux et frais, poussait les passants à s’arrêter et même à demander à y assister. Mais il ne faut pas oublier qu’à Cannes, tout accès à une projection, à une soirée et à la montée des marches se fait avec un badge nominatif porté de façon visible et/ou une invitation personnalisée, sauf pour le Cinéma de la Plage, où l’accès est libre pour la Plage Macé, la plus grande plage publique de la Croisette Ouest qui, avec son écran de cinéma géant, prend le nom de Salle des Sables à l’occasion du Festival de Cannes.