Jeunes et adultes, la plupart d’entre eux détient une license, une maîtrise ou encore un diplôme équivalent et d’autres chômeurs sans diplômes, se sont retrouvés dans la même cour du gouvernorat de Kasserine. Leur seule revendication: avoir un emploi décent qui préserve leur dignité.
Quelques-uns ont déjà travaillé dans plusieurs domaines, certains ont même tenté de s’implanter pour leurs propres comptes, mais leurs tentatives ont échoué. Bien que ces jeunes aient perdu confiance en les structures de l’Etat et en ses mesures, la majorité d’entre eux ne voit de sortie de leur situation qu’à travers un emploi dans le secteur public.
Le chômage, la galère qui dure malgré les sacrifices
Le soleil avait disparu derrière les montagnes qui entourent la ville et la nuit commençait à tomber sur le monticule qui abrite le siège du gouvernorat et donne sur la ville.
Toutefois, le mouvement d’entrées et de sorties du gouvernorat n’a pas cessé devant la porte imposante, où les gardes et quelques militaires vérifiaient l’identité des visiteurs et échangaient les salutations avec quelques jeunes.
A pas rapides, ces derniers sont allés acheter des cigarettes et du café pour passer une autre nuit de sit- in.
Ce sit-in, entamé depuis plus de trois semaines, après le décès du jeune Ridha Yahyaoui, tombé d’un poteau électrique, au moment où il protestait contre la supression de son nom d’une liste de candidats sélectionnés pour un recrutement.
Au siège du gouvernorat, quelques tentes ont été installées servant de refuges aux sit-inneurs et quelques chaises éparpillées destinées aux plus las. “On n’a pas d’autres demandes à part l’emploi”, ont répété les sit-inneurs.
“Je frôle la quarantaine et je n’ai toujours pas d’emploi stable”, lance Imed, jeune diplômé, depuis 2005, en sciences de la vie et de la terre, âgé de 37 ans .
Et d’ajouter “j’ai travaillé sur les chantiers de construction et dans le commerce des vêtements d’occasion (friperie).
Plusieurs d’entre nous ont bénéficié de l’ensemble des mesures d’emploi provisoire (SIVP- stage d’initiation à la vie professionnelle et autres) et se trouvent toujours dans des situations précaires et sans emplois stables”.
Habib, l’un des porte-paroles des sit-inneurs évalue le nombre de ces derniers à plus de 200 personnes.
“Certains diplômés ont passé plus de 10 ans au chômage et sont toujours à la recherche d’un emploi”, poursuit le jeune homme avant d’être interrompu par un autre protestataire qui tient à préciser que “des jeunes chômeurs non diplômés sont aussi sur les lieux”. Un autre témoignage de Issa, qui dit avoir essayé tout même la prison pour vol. “Je ne veux rien d’autre qu’un emploi.
Comment puis-je vivre décemment si je n’ai même pas de quoi me payer un café. Que dire d’un père de famille au chômage?”, s’interroge-t-il. Sur un ton de colère manifeste, Khadija est revenue sur les sacrifices des familles pour permettre à leurs enfants de poursuivre leurs études et obtenir un dipôme.
“Obtenir un diplôme pourquoi faire? pour arriver à cela? C’est la frustration”, s’efforce d’expliquer la jeune femme. Encore des sacrifices pour une mère de trois jeunes filles diplômées en chômage.
Mouna Rabâaoui, âgée de 55 ans se dit prête à mourir pour trouver des emplois à ses filles.
“Nous vivons depuis des années dans une situation lamentable. Mon mari travaille sur les chantiers. Je veux que mes filles soient employées si non je ne quitterai jamais ce sit-in”, dit-elle avec détermination.
Quelques que soient les situations sociales de ces protestataires et le nombre d’années qu’ils ont passées au chômage, aujourd’hui ils partagent le même sentiment de déception. Ils disent tous que leur région est victime d’une marginalisation qui réduit les chances de ses jeunes d’avoir des sources de revenus permanents.