A quelques jours des élections législatives en Tunisie, Avocats Sans Frontières (ASF), l’Association « NissaaTounssyat » (Femmes Tunisiennes), l’Organisation Contre la Torture en Tunisie (OCTT) et l’Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD) s’inquiètent des délais de mise en œuvre de la loi de justice transitionnelle. Les quatre organisations appellent les autorités tunisiennes et les candidat(e)s aux élections à assurer la continuité du processus, quel que soit le résultat électoral.
Près de dix mois après l’adoption de la loi organique du 24 décembre 2013 sur la justice transitionnelle, l’Instance Vérité et Dignité s’apprête enfin à démarrer ses travaux avec la réception des premiers dossiers des victimes et un décret a entériné la création de huit Chambres spécialisées pour juger sur le fond les violations graves des Droits de l’Homme commises par le passé. La mise en œuvre de la loi reste toutefois ouverte, notamment en ce qui concerne la nomination des magistrats des Chambres spécialisées, alors que le choix de ces magistrats est déterminant pour la réussite du processus de justice transitionnelle et pour asseoir la légitimité de ces juridictions spéciales. Seule une composition impartiale et juste de ces chambres permettra d’arriver à une vérité acceptée par les différentes parties. Or, la loi ne prévoit qu’un seul critère de sélection des juges : le fait de ne pas avoir siégé à des procès politiques dans le passé. « En état, la loi ne nous semble pas être une garantie face aux risques de conflit d’intérêt et de manque d’impartialité », estime Lisa Palfart, Chef de Mission Adjointe chez ASF en Tunisie.
La Constitution tunisienne prévoit que les magistrats soient nommés par décret présidentiel, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. « Cette procédure de sélection doit s’appliquer à la nomination des magistrats des chambres spécialisées en justice transitionnelle et les éléments de neutralité et de non implication sous l’Ancien Régime doivent être pris en compte », insiste la Chef de Mission Adjointe chez ASF en Tunisie.
Dans un contexte de transition démocratique et d’échéances électorales, un processus de justice transitionnelle qui ne répond pas aux attentes des citoyens tunisiens, risque fort de fragiliser les acquis de la Révolution. « Les victimes des abus commis dans le passé perdent progressivement confiance en matière de justice. Les interrogations qui demeurent quant à la mise en œuvre de la loi sur la justice transitionnelle doivent être levées, de manière à renverser cette tendance», conclut Lisa Palfart.
C’est pourquoi ASF, Femmes tunisiennes, l’OCTT et l’AFTURD rappellent l’importance des activités d’information, d’orientation et de sensibilisation des victimes, soutiennent toute initiative allant dans ce sens (notamment la mise en place de l’Observatoire Tunisien de Justice Transitionnelle) et appellent vivement à la poursuite du processus de justice transitionnelle au lendemain des deux élections de cette fin d’année 2014.