A quelques jours du mois de Ramadan, les radicaux islamistes semblent reprendre du service pour attaquer tous ceux que Rached Ghannouchi accuse «d’être des non-croyants car ils ne sont pas d’Ennahdha».
Au vu de l’actualité aussi bien nationale qu’internationale avec notamment la tournure des choses en Egypte et les annonces d’une opération «Tamarod» réclamant la dissolution de l’ANC en Tunisie, ceux qu’il est convenu d’appeler les salafistes -accusés d’être des radicaux par les uns et des mercenaires au service de l’ancien régime par les autres- reprennent du service. Ils s’en prennent à des artistes au Kef.
Comme souvent, leur offensive commence par cibler les médias et les artistes. 19 artistes et membres de l’ACT du Kef, “Fanni Raghmane 3anni“ (artiste malgré moi), ont été arrêtés dans la nuit du samedi à dimanche dernier. Plusieurs témoignages confirment qu’ils se sont faits attaqué par des salafistes alors qu’ils jouaient une pièce rendant hommage à Chokri Belaid nommé “Guatlouh” (ils l’ont tué).
La police est intervenue au bout de 20 minutes et les artistes ont été arrêtés pour «atteinte à la pudeur». L’artiste Leila Toubal, qui se mobilise aussitôt pour l’affaire, explique non sans une pointe d’ironie: «Comme nous sommes dans un pays de droit, ce sont les artistes qui sont attaqués, qui se retrouvent au banc des accusés!»
Après les épisodes Jabeur, Femen, et Weld El 15, nous sommes probablement repartis pour une autre opération d’atteinte au «sacré», aux bonnes «mœurs», à l’ordre public, à la morale…
Un autre épisode d’atteinte aux libertés et aux droits d’expression. Entre temps, les artistes arrêtés ont été libérés dimanche mais combien de temps se passera-t-il pour que pareils incidents ne se reproduisent plus?
Pas un jour ne se passe sans qu’on ne sollicite des lois du temps de la dictature pour bailler les esprits libres, les critiques, la créativité…
Récupérées, légitimées et abusivement exploitées par l’actuel pouvoir, ces lois redeviennent comme par magie des instruments au service du “muselage“ des élites et du peuple.
Ces lois sont, selon Amnesty International, utilisées pour étouffer la liberté d’expression. «Si la protection des bonnes mœurs ou de l’ordre public constitue parfois une raison légitime pour limiter la liberté d’expression, une restriction de ce type ne saurait être imposée que si elle est absolument nécessaire, et il convient alors, dans ce cas, d’adopter la mesure la moins restrictive possible».
Or, nous sommes loin de ce scénario. Les regards se tournent vers l’Assemblée nationale constituante (ANC) et son projet de loi réprimant pénalement les «atteintes au sacré» sous forme de paroles, d’images ou d’actes et prévoyant une peine d’amende ou jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour les contrevenants.
«Dieu, ses prophètes, les livres sacrés, la Kaaba, les mosquées, les églises et les synagogues» sont considérés comme «sacrés» dans le projet de loi.
Toujours du côté d’Amnesty International, on déclare que «la Tunisie devrait prendre des mesures pour renforcer le respect des droits humains, il est décevant de constater que ce projet de loi représente un pas dans la direction opposée et établit de nouvelles restrictions de la liberté d’expression… Il faut que les autorités tunisiennes rejettent ce projet». La question, parmi tant d’autres, est désormais posée dans l’enceinte du Bardo.
Le Code pénal prévoit une peine allant de six mois à cinq ans d’emprisonnement et une amende allant de 120 à 1.200 dinars.
Pour s’en souvenir, il faut savoir qu’en avril, Ramzi Abcha a été déclaré coupable par un tribunal d’avoir attaqué des mosquées et porté atteinte à un rituel religieux en profanant le Coran dans plusieurs mosquées, et condamné à quatre ans d’emprisonnement.
Ghazi Béji et Jabeur Mejri avaient été déclarés coupables d’avoir publié sur leurs profils Facebook des documents de nature à troubler l’ordre public et à porter atteinte aux bonnes mœurs, d’avoir porté préjudice à des tiers du fait de cette publication, et d’avoir porté atteinte aux bonnes mœurs en publiant des dessins et des écrits considérés comme offensants pour l’islam et les musulmans.
L’un est le premier réfugié politique tunisien en France post-révolution et l’autre croupit en prison pour 7 ans.
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