Les députés de l’Assemblée nationale constituante vont débattre, ce jeudi 27 juin 2013, du projet de loi dit “d’immunisation de la révolution”, qui vise à exclure des élections les RCDistes, les destouriens du régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali.
Ce projet de loi n’a pas manqué d’agiter la scène politique tunisienne.
Béji Caid Essebsi, président du Mouvement Nida Tounes:
«Priver un Tunisien d’exercer ses droits politiques revient à lui enlever la nationalité. C’est le but du projet de loi sur l’immunisation de la révolution qui sera soumis aux membres de la Constituante ce jeudi 27 juin alors même que ceux qui proposent ce projet n’ont pas participé eux-mêmes à la révolution et que les jeunes qui se sont révoltés ne l’ont pas fait par souci identitaire, religieux ou parce qu’il y en a dont les rites d’ablution ne correspondent pas aux rites habituels.
La révolution doit et ne peut-être immunisée que par les enfants du pays et les jeunes qui l’ont faite. 60.000 Tunisiens pourraient bien être exclus sous prétexte qu’ils traitaient avec le gouvernement Ben Ali ou qu’ils travaillaient sous ses ordres».
Samir Taieb, porte-parole du parti Al Massar:
«Le projet d’immunisation de la révolution est très dangereux pour le pays et entrave le processus de la justice transitionnelle de fait paralysé depuis des mois».
Ahmed Nejib Chebbi, président du comité politique du Parti républicain:
«La loi d’immunisation de la révolution vise la neutralisation des concurrents politiques, et c’est pourquoi on s’y opposera par tous les moyens. Cette loi, au cas où elle est approuvée, elle pourra causer l’annulation de l’élection présidentielle, ce qui représente un danger réel sur la stabilité du pays».
Mustapha Filali, premier ministre de l’Agriculture après l’indépendance, en 1956:
«La loi sur l’immunisation de la révolution est totalement en contradiction avec les lois de l’islam. Car l’islam est une religion de paix et de pardon. Et non de violence et de vengeance».
Rached Ghannouchi, leader du mouvement Ennahdha:
«Ce projet vise seulement à protéger la révolution et à être en continuité avec l’ancien décret-loi ayant interdit nombre de responsables du RCD dissous de participer aux élections de l’ANC. C’est une prorogation de l’ancien décret-loi, ce qui protège la révolution de toute récupération aux élections. Notre révolution est pacifique, et toutes les révolutions procèdent de la sorte».
Hamadi Jebali, secrétaire général d’Ennahdha:
«J’ai déjà exprimé mon opposition à cette loi et je suis convaincu que le dernier mot doit toujours revenir à la justice. Je considère que cette loi ne peut en aucune manière servir les intérêts d’Ennahdha».
Azad Badi, député du mouvement Wafa à l’ANC:
«Le mouvement Wafa, le CPR et la Ligue pour la protection de la révolution considèrent l’immunisation politique de la révolution comme une priorité, puisqu’on ne peut pas bâtir sans en finir définitivement avec le système de corruption».
Jalel Bouzid, membre du bureau politique du parti Ettakatol:
«La loi d’immunisation de la révolution, dans sa version actuelle, ne passera pas».
Mondher Behaj Ali, membre du bureau exécutif de Nida Tounes:
«Cette loi est un scandale et une exclusion collective qui ne correspond pas aux lois internationales. Une décision qui rappelle celle prise par l’Allemagne nazi pour écarter les juifs du pouvoir, et par l’Afrique du Sud pour instaurer l’apartheid et exclure les noirs, ou encore celle d’Israël qui exerce la discrimination face aux Palestiniens».
Hédi Ben Abbès, membre du bureau politique du CPR:
«L’adoption de la loi d’immunisation de la révolution offrirait un terreau favorable à la réconciliation nationale car sans jugement, il ne peut pas y avoir de réconciliation, et le projet de loi a été présenté par le CPR le 14 avril 2012, à une date antérieure à la création de Nidaa Tounes».
Mounir Ajroud, président de la Ligue nationale de la protection de la révolution:
«Le retour des RCDistes est un crime envers le peuple tunisien et sa révolution… L’immunisation de la révolution est un devoir, et non une faveur».
Slim Riahi, président du parti UPL:
«Cette loi est une manœuvre politique que certains utilisent pour faire du chantage politique. Un moyen pour le mouvement Ennahdha d’éliminer un adversaire politique, qui a pris de l’ampleur et non comme une affaire de principe. Les vrais objectifs de l’immunisation de révolution sont la baisse du taux de chômage, la lutte contre l’inflation, le développement régional, l’amélioration des conditions de vie…»
Cependant, on n’a vu ni entendu une déclaration de Samir Dilou, ministre des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, lui qui vient de passer une dizaine de jours en Afrique du Sud, pays cité en exemple pour sa commission “vérité et réconciliation”.
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