L’impact du religieux dans le processus de démocratisation politique et l’expérience de gouvernement islamiste, ont été au centre des débats de la journée d’étude sur « L’islam politique à l’épreuve du pouvoir », organisée, samedi, à l’initiative de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) avec la participation du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS).
Introduisant le thème de la journée, Mohamed Chérif Ferjani, professeur en science politique et études arabes auprès de l’IRMC, a défini l’islam politique comme étant « la réaction du monde musulman à l’irruption de la modernité ».
« La réaction du monde musulman par rapport à la sécularisation de la culture, du savoir et de l’Etat, se situe dans l’idéologisation de la religion musulmane et dans les tentatives de mise en place d’un Etat islamique », a-t-il précisé.
Se situant dans une approche sociologique et politique du contexte tunisien, Mohamed Chérif Ferjani a indiqué que la société civile et ses composantes, tel que l’UGTT, demeurent un facteur important dans la résistance face à l’idéologie islamiste. Il a estimé, dans ce sens, que « l’islam politique ne peut évoluer que sous la pression des contraintes qui s’imposent à lui ».
De son côté, Farhad Khosrokhavar, directeur de recherche en sciences sociales au CNRS, a traité de l’expérience du pouvoir islamique iranien et de ses divergences avec l’expérience tunisienne. « La révolution iranienne de 1979 n’a été possible que grâce à la complicité profonde entre les islamistes et les intellectuels laïques de la classe moyenne.
Or, cette même classe moyenne a été bâillonnée par ceux à qui elle a prêté allégeance après la révolution », a-t-il déclaré à un large public présent à la bibliothèque de l’IRMC. Pour ce spécialiste de la sociologie, le cas de figure iranien ne risque pas de se reproduire en Tunisie, justement à cause de la prise de conscience de la classe moyenne face aux idéologies et de son sentiment de culpabilité par rapport aux années de la dictature.
De son côté, Michael-Béchir Ayari, chercheur à CRISIS GROUP, et coauteur du rapport « Tunisie : violences et défi salafiste », a traité, par ailleurs, de « l’identité incertaine et fluctuante d’Ennahdha ».
Il a affirmé, à cet égard, qu’Ennahdha n’était plus considéré comme un parti islamiste, depuis 2005, et ce, en raison de l’apparition du phénomène du salafisme jihadiste en Tunisie. Ayari estime qu’Ennahdha s’est mise en devant de la scène en prônant la réconciliation nationale dans un premier temps, avant de se présenter comme seule alternative au radicalisme religieux, pour prendre, enfin, le pouvoir sur la base d’un discours « populiste et maximaliste ».
Tout en insistant sur le caractère non homogène du parti Ennahdha, Ayari a fait valoir que le parti majoritaire se trouve dans un dilemme face au salafisme : l’institutionnalisation du mouvement salafiste à la manière du Front Islamique du Salut algérien ou sa répression.
Il estime que dans les deux cas, il y a un risque majeur que la société tunisienne cède une partie de sa liberté pour sa sécurité. Rappelons que cette journée d’étude fait partie d’une série de conférences programmées et organisées depuis 2012 sur le thème « l’expérience sociale et politique du religieux ».