Tunisie- Gouvernement Jomaa : Y a-t-il une Com ?

La visite de Mehdi Jomaa à Paris n’a pas suscité l’intérêt qu’elle méritait, ni ici ni à plus forte raison en France. Si on exclut une bonne prestation chez le «pape des interviewers», Jean Pierre El-Kabbach, qui a essayé de «cuisiner» le chef du gouvernement, il n’y a pas grand-chose à retenir de cette visite pourtant capitale, à part que le Premier ministre a mangé un fricassé à Belleville et a pris le métro pour échapper à la sécurité trop pesante. Il y a à se demander comme le titre d’un film célèbre : «Y a-t-il une Com’… dans le gouvernement».

La question mérite d’être posée à presque cent jours de l’investiture du gouvernement de compétences composé d’une pléiade de «grosses pointures» dont la plupart a fait ses armes dans les pays développés donc connaissant fort bien l’intérêt d’une «stratégie de communication» pour gagner la seule bataille qui vaille, la bataille de l’opinion publique.

Après avoir maintenu un dir’com qui n’a pas brillé dans ce domaine et qui a contribué à l’échec de l’équipe précédente, on nous annonce l’arrivée d’une femme de Com’…, Mme Rania Barrak qui vient tout droit des grandes écoles de la communication mais qui est déjà contestée pour sa trop prétendue étroite proximité avec un grand parti politique. Ce n’est vraiment pas un crime, car les responsables Com’ ne sont ni de droite ni de gauche et on a vu le même homme servir un président de gauche et un autre de droite dans un grand pays démocratique, la France. Mais Madame Barrak n’était pas du voyage à se demander pourquoi.

A vrai dire, ce n’est pas une question de personne, loin de là. Ce qui manque c’est une véritable «communication gouvernementale» et ce n’est pas en montrant un «gouvernement en bras de chemise, en conclave un dimanche» que l’on peut affirmer faire de la communication quand on voit que celle-ci est ce qui manque le plus en ce moment fort délicat.

Les Tunisiens attendaient du nouveau. Quelque chose qui bouscule les habitudes anciennes, qui tranche avec la langue de bois, qui leur parle vérité, franchise et sincérité. Qu’est-ce qu’ils ont eu ? Un retour pur et simple à de longs compte-rendu illisibles et incompréhensibles avec les fameux «a reçu», «a visité», «a indiqué», «a donné des instructions» et tutti quanti aussi creux qu’inintéressants. Ce n’est pas ce qu’ils souhaitaient, ni ce qu’ils appelaient de leurs vœux.

Le pays va de mal en pire et ce n’est pas une litote. Mais, qu’est-ce qu’on entend? Les phrases du genre «la situation est plus difficile que prévu», «on ne s’attendait pas à trouver une situation aussi mauvaise» ne sont plus admises par une opinion publique inquiète à souhait.

Alors que comme partout dans une situation analogue, deux écoles se font jour, l’une cherchant à dramatiser à outrance pour frapper d’«un choc salvateur» l’opinion publique, alors que l’autre veut «mettre de l’eau dans le thé» pour ne pas «ajouter la peur à la dépression», l’homme de la rue est berné. On ne lui dit plus que «tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles», parce qu’il ne le croirait pas. Mais c’est tout comme… On veut à tout prix arrondir les angles. Les salaires des fonctionnaires seront payés même au prix d’emprunts à gauche et à droite ou en raclant les fonds des tiroirs. Mais, ajoute-t-on, ce sera pour quatre mois, après rien n’est assuré. Puis on se rétracte sans crier gare!

 

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Par Raouf Ben Rejeb*

*Journaliste à la retraite, ancien directeur de l’information au ministère des Affaires étrangères, ex-chef du département de l’information de l’OCI à Djeddah