L’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption (INLUCC) a remis 120 dossiers de corruption à la justice, a déclaré, jeudi, son Président Chawki Tabib, précisant que certains de ces dossiers impliquent trois ministres et des Présidents-Directeurs Généraux d’établissements publics.
S’exprimant lors d’une journée d’étude, organisée au siège de l’Agence TAP, Tabib a souligné que les noms des personnes impliquées dans des affaires de corruption ne peuvent en aucun cas être dévoilés puisque, a-t-il dit, la loi régissant le travail de l’instance exige le secret professionnel.
“Pour lutter contre la corruption, il faut démanteler tout le système de corruption”, a-t-il plaidé, indiquant que l’Instance est devenue depuis quelques temps un acteur actif de la scène politique, même si elle existe depuis 2011.
“Le gouvernement et l’élite au pouvoir affichent aujourd’hui une certaine volonté politique de combattre la corruption. Nous sommes passés d’une situation de déni à la reconnaissance de l’existence de corruption et de l’impératif de demander des comptes”, a-t-il dans ce sens relevé.
Cette évolution, a-t-il encore dit, aura un impact positif sur le classement mondial de la Tunisie en matière de corruption, particulièrement celui de l’organisation Transparency International, qui prend en considération la question du déni ou de la reconnaissance.
Par ailleurs, Tabib a fait savoir qu’il existe nombre de textes législatifs sur la lutte contre la corruption, dont certains ont été publiés, à l’instar de la loi sur l’accès à l’information qui entrera en vigueur en Mars 2017, et d’autres qui sont encore en phase d’élaboration, à l’instar de la loi sur la protection des dénonciateurs, la loi sur la déclaration du patrimoine, la loi incriminant les biens mal acquis et la loi relative au conflit d’intérêts.
Pour ce qui est de la protection des dénonciateurs, le Président de l’INLUCC a annoncé qu’une cérémonie baptisée ” Le dénonciateur de l’année” sera organisée le 27 Janvier courant, en collaboration avec l’organisation I WATCH.
Parmi les réformes engagées, le président de l’Instance a cité la signature de la stratégie nationale de la lutte contre la corruption par le gouvernement, l’autorité judiciaire et le Syndicat national des Journalistes Tunisiens (SNJT), précisant, à ce sujet, qu’une journée nationale sera consacrée prochainement à la signature de la stratégie nationale par les représentants de la société civile.
Chawki Tabib a, par ailleurs, fait remarquer que la lutte contre plusieurs formes de corruption n’exige pas d’importants financements, à l’exemple de la mise en place d’un système informatique au sein du ministère de la justice qui permettra le recouvrement des amendes impayées, estimées, selon lui, à 3000 millions de dinars. “Interconnecter les systèmes informatiques des divers ministères permettra de réduire la marge des violations possibles de la loi”, a-t-il dans ce sens souligné.
Et d’insister: “La lutte contre la corruption n’est pas seulement le rôle de l’instance mais aussi celui des médias, de la société civile, du gouvernement, de la justice, de l’autorité législative et de chaque citoyen. C’est un phénomène, un système […] qui exige un changement des mentalités pour ne pas devenir une pratique courante”.
L’intervenant a, aussi, passé en revue les activités de l’INLUCC, mettant l’accent sur les difficultés rencontrées à l’instar du manque de financement, indiquant, à ce propos que le budget de l’Instance pour l’année 2017 est 2 millions de dinars. Il a également regretté l’absence de bureaux régionaux et des outils logistiques nécessaires, affirmant, toutefois, que malgré ces petits moyens, l’INLUCC a fait gagner à l’Etat des centaines de milliards en dévoilant la corruption dans les marchés publics et en s’opposant à plusieurs marchés douteux.
De son côté, Hamida El Bour, Présidente-directrice générale de l’agence TAP, a mis en exergue l’expérience de l’unité du journalisme d’investigation au sein de l’agence, soulignant, à cette occasion, que le rôle des médias publics est d’être au service du citoyen et de pointer du doigt les dysfonctionnements afin d’y remédier.
“L’objectif des enquêtes est de révéler les dysfonctionnements, et non pas la diffamation envers les personnes ou les institutions. Les journalistes de l’agence se conforment à l’éthique professionnelle et à la Charte de la profession, et veillent à faire éclater la vérité tout au long de leur travail d’investigation”, a-t-elle insisté.