La commémoration par la Tunisie de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes sera marquée par l’organisation d’un atelier de réflexion lundi 2 novembre sur le thème « Sécurité des journalistes en Tunisie : pratiques et législation dans un contexte de transition ».
La rencontre rassemblera des journalistes, avocats et juges, défenseurs des droits de l’homme et des associations engagées dans la promotion et la protection de la liberté d’expression. Selon un rapport du centre de Tunis pour la liberté de la presse élaboré fin 2014, 277 agressions ont ciblé 300 journalistes.
41 pc de ces violences nécessitent le recours à la justice. Jusqu’au mois de mai 2015, une moyenne de 24 agressions est commise par mois. Ce chiffre a baissé au cours des derniers mois en raison de l’amélioration de la situation sécuritaire, politique et sociale avant de regrimper en octobre de façon inquiétante, note le centre.
Mahmoud Dhaouadi, président de l’institution, explique que même l’interdiction de travail est considérée comme étant une forme d’exaction incriminée par la loi, selon les normes internationales.
Il a ajouté que dans les pays en voie de développement, la Tunisie y compris, dans 90 pc des cas, les agressions et crimes contre les journalistes restent impunis, ce qui ébranle la confiance des journalistes en la justice transitionnelle, encourage la récidive et favorise l’autocensure, regrette le directeur du centre.
La majorité des violences a été commise par ce qu’il qualifie de « nouveaux auteurs » (supporters, sympathisants, partisans, gardes du corps…) en plus des forces de l’ordre qui sont allées jusqu’à brandir les armes lors de l’attaque terroriste du Bardo en mars dernier.
« Un cas isolé qui reste très humiliant pour les journalistes », a-t-il déploré. Le centre soulève l’absence de justice spécialisée dans ce genre de crime, relevant que l’agresseur est dans la plupart des cas juge et partie.
Dhaouadi appelle à la révision du système judiciaire et à la promulgation de nouvelles loi à la hauteur des textes internationaux ratifiés par la Tunisie pour un minimum de protection des professionnels du secteur.
Pour Youssef Oueslati, membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), le problème réside plutôt dans l’application des lois déjà existantes et qui incriminent les agressions en général. Des centaines de procès ont été intentées sans suite, ce qui encourage la récidive, a-t-il regretté.
Vers la création du poste de représentant spécial du SG de l’ONU chargé de la protection des journalistes
Youssef Oueslati a évoqué, dans la foulée, la caravane organisée depuis lundi dernier par le syndicat qui a été l’occasion de rencontrer des sécuritaires et des juges et de débattre avec eux de la protection des journalistes. Zied El Heni, président de l’organisation tunisienne de protection des journalistes, a lui aussi déploré l’impunité dans les crimes commis contre les journalistes, pointant des politiques et des sécuritaires.
De son coté, Yasmine Kacha, représentante de Reporters sans frontières, a indiqué que l’organisation propose la création du poste de représentant spécial du SG de l’ONU chargé de la protection des journalistes.
En se référant aux rapports internationaux, le président de la cellule des droits de l’homme au ministère de l’Intérieur Maher Kaddour considère, quant à lui, que les agressions ont plutôt baissé. Le département s’emploie à améliorer sa relation avec les journalistes à travers une série de mesures et législations.
Il a cité les sessions de formations sur le traitement avec les journalistes, la liberté d’expression, la sécurité des journalistes….
Le responsable a également rappelé le projet de code de conduite que le ministère à entamé l’élaboration et l’orientation vers la révision de la loi n°69 relative au rassemblement pour l’adapter aux normes internationales des droits de l’homme. La Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes est célébrée le 2 novembre de chaque année.
Elle a été créée par l’Assemblée générale des Nations Unies lors de sa 68e session en 2013, par l’adoption de la résolution 68/163. La date a été choisie en mémoire de l’assassinat de deux journalistes français au Mali le 2 novembre 2013.