500 militants d’Ettakatol se sont retrouvés pour élire leurs nouveaux bureaux régionaux et bureau politique et applaudir la création d’une organisation féminine annoncée en grandes pompes après celle des jeunes. Ils ont surtout écouté religieusement leur secrétaire général, reconduit sans surprise, Mustapha Ben Jaffar (MBJ) rendre hommage à Hmed El Mestiri; qualifié par Rached Ghannouchi, invité aux assises du Congrès, de “père de la démocratie tunisienne“ et faire le bilan de tout un parcours.
Usant et abusant parfois de tournures de phrases maladroites du style «parasite» pour parler des militants dissidents qui ont quitté le parti, il a qualifié son rôle au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC) de «Hezzez» (autrement dit celui qui s’interpose pour calmer la confrontation entre deux adversaires). Un rôle qui lui sied peut-être peu ou pas du tout au vu de l’image très négative qui se dégage du Bardo et de l’ambiance belliqueuse qui y règne.
Des absences répétées, une Constitution qui est loin d’être l’une des meilleures du monde comme il s’est empressé de la qualifier, des scandales qui marqueront l’opinion publique à jamais et surtout le manque de transparence qui y règne comme le dénonce l’Association «El Bawsala» à travers son président, l’activiste Amir Yahyaoui: «Le rêve que constituait cette Assemblée a été tué et c’est lui (MBJ) le premier responsable».
Du côté des politique et des leaders d’opinion, on ne se fait pas une meilleure idée de MBJ comme président de l’ANC. 71% est l’énorme taux d’insatisfaction généré par la prestation de l’ANC qui ne lui incombe certes pas directement et exclusivement. Il n’en reste pas moins vrai que sa prestation et nombreux commentaires créent souvent la polémique.
De façon plus globale, et à titre d’exemple, Kamel Jendoubi, (ancien président de l’ISIE, Instance supérieure indépendante pour les élections), estime dans une interview accordée au journal Ouest-France que MBJ «pèse parce qu’il est à l’internationale socialiste et que M. Hollande le soutient. Sans cela, il n’est rien».
Parlant de l’alliance d’Ettakatol au parti islamiste Ennahdha et au CPR afin d’éviter l’affrontement, la bipolarisation et la guerre civile, l’historien Aleya Allani estime qu’elle est «plus une alliance de forme que de fond. Ennahdha reste la pièce maîtresse dans la Troïka. Tous les postes clés du premier gouvernement étaient confiés à des nahdaouis et 80% des nominations dans la haute administration ont favorisé des islamistes». A ce jour, plus de 1.800 nominations principalement islamistes ou proches d’Ennahdha ont été effectuées.
Si les uns tendent à minimiser le rôle d’Ettakatol dans cette phase de transition, nombreux de ses militants restent convaincus que son rôle est primordial dans l’équilibrage des forces, dans la défense de la modernité et du modèle tunisien et sont convaincus du rôle fondamental de MBJ au sein de l’ANC.
«Imaginez une seconde Moncef Marzouki avec ses coups de colère et son caractère imprévisible à sa place…», déclare Mohamed Farhi de la section Ettakatol de Sbeitla. Il poursuit: «L’issue serait catastrophique. Certes je suis déçu, notre parti aurait pu jouer un plus grand rôle, MBJ aurait pu être moins passif mais au niveau des choix et orientations, c’est ce dont a besoin notre pays. Les principes et les valeurs de ce parti sont celles que je veux défendre et qui me mobilisent. Maintenant au niveau de leurs applications, nous aurions pu faire mieux… La phase est délicate, nous sommes en période d’apprentissage mais regardez l’état des autres partis politiques. Nous avons perdu des députés et des militants déçus certes, mais depuis la constitution du nouveau gouvernement post Hamadi Jebali, nous enregistrons une petite hausse des adhésions. Dans le long terme, les gens se rendent compte que nous restons fermes dans nos positions.
Dans les couloirs, on murmure que tous les articles qui posent polémique dans la Constitution qui s’écrit et se discute sont dores et déjà réglés. «Nous essayons de soutenir du mieux Ennahdha qui est pressé par ses bases. Vous en vous rendez compte qu’ils font des concessions énormes et cela met en colère leurs militants qui réclament la chariaâ… C’en est à se demander si les politiques et certains membres et associations actives dans la société civile connaissent vraiment la Tunisie et les Tunisiens».
Vue de l’intérieur, on déclare qu’Ettakatol est sorti de sa période transitoire et à réussi son congrès malgré toutes les tentatives de sabotage. Fort d’un nouveau règlement intérieur qui est censé consolider ses structures et la démocratie interne, il a élu un nouveau conseil national en reconduisant seulement 15% de l’ancien bureau de 2009. Désormais 1/3 du bureau est composé de femmes et des quotas précis sont consacrés aux régions et aux jeunes.
Désormais Ettakatol est à la croisée des chemins. On le dit vidé de ses militants, accusant un fort taux de défection de ses députées au sein de l’Anc, sa survie dépendra aussi et surement de l’avenir de la Troïka. Enahdha et Ettakatol sont –ils en train de partir pour un autre round ? Des listes communes ? Un front éléctoral ? Démenti, rien ne filtre sur cette question qui fâche l’opposition, famille naturelle du parti, et une bonne partie de la base du parti. Dans les sondages Ettakatol ne décolle pas. Sauf que pour eux les sondages ne prouvent pas grand-chose. Ils repensent aux élections du 23 Octobre et la surprise que le parti a créée. Souvenirs, souvenirs ou conviction profonde ? Seules les prochaines élections le diront.
(Photo: Page Officielle Ettakatol)