L’Organisation Human Rights Watch (HRW) a appelé l’Assemblée nationale constituante (ANC) à s’engager à bâtir une « justice affranchie de l’ingérence du gouvernement ».
Evoquant le projet de loi organisant l’instance provisoire de l’ordre judiciaire qui doit être examiné, au cours cette semaine, par l’ANC, HRW a estimé que « la loi proposée suscite toujours l’inquiétude quant à l’étendue de l’influence que les ministres continueraient à avoir sur les sanctions disciplinaires à l’encontre des juges et sur d’autres questions affectant leur indépendance par rapport au gouvernement ».
Dans un communiqué publié au courant de la semaine dernière sur le site WEB de l’ONG américaine de défense des droits humains, le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW, Eric Goldstein, a déclaré que « la Tunisie a désespérément besoin d’une justice indépendante après toutes ces années où l’autorité politique a manipulé les tribunaux, privant de justice tellement de personnes ».
« L’ANC a aujourd’hui une chance de mettre fin aux abus cyniques du système judiciaire en adoptant une législation solide sur l’instance de la magistrature », note HRW. HRW a, par ailleurs, considéré que les autorités tunisiennes « ont bien peu progressé, pour ce qui est d’encourager ou de garantir l’indépendance de la justice, depuis l’éviction de Ben Ali il y a deux ans », notant que le ministère de la Justice a continué à s’immiscer
dans la nomination et l’avancement des juges, ainsi qu’à décider de leurs révocations. Les magistrats ont observé, jeudi 28 mars, dans tous les tribunaux de la République, une grève lancée par le Syndicat des magistrats (SMT) et l’Association des magistrats (AMT), pour protester contre le projet de loi organisant l’instance provisoire de l’ordre judiciaire.
De même, de hauts magistrats ont rejeté, vendredi dernier, la mouture relative au projet de loi sur cette instance proposée par la commission de la législation générale à l’ANC. Dans une déclaration commune, les signataires qui sont le Premier président de la Cour de cassation, le procureur général près la Cour de cassation, le procureur général directeur des services judiciaires, l’Inspecteur général au ministère de la justice, leprésident du Tribunal foncier, le Premier président de la Cour d’appel de Tunis et le procureur général près de la Cour d’appel de Tunis ont affirmé qu’ils ne feront pas partie de cette instance, mettant en garde contre le risque du contenu de ce projet, sous sa mouture actuelle, sur la pérennité du système judiciaire.
Ils ont exprimé, également, leur refus de la composition de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire, telle que proposée, et qui comprend des membres n’appartenant pas au corps de la magistrature, appelant à préserver l’indépendance du secteur et à le garder à l’abri des tiraillements politiques.