“Il existe encore des disparités entre les dispositions prévues par la Constitution tunisienne en matière de protection des droits de l’Homme et dans la réalité pratique”, a fait remarquer jeudi, à Tunis, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction, Ahmed Shaheed.
“En dépit des garanties offertes par la législation tunisienne pour la liberté de religion et de croyance, certaines pratiques viennent compromettre le pluralisme religieux et porter atteinte à cette liberté”, a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse.
Shaheed s’exprimait à l’issue de la mission d’observation qu’il a menée, du 9 au 19 avril courant, en tant qu’expert indépendant des Nations unies, pour évaluer la situation de la liberté de religion et de conviction en Tunisie.
Le Rapporteur onusien a, par ailleurs, fait état de la persistance de certaines pressions voire des cas de harcèlement exercés sur des individus dans le cadre de leurs pratiques religieuses.
“Des communautés religieuses et autres minorités font encore aujourd’hui face à des difficultés et à des restrictions dans la pratique religieuse et de culte”, a-t-il déclaré.
Et de citer, à titre d’exemple, les mesures imposées en milieu carcéral aux détenus, les obligeant à se conformer aux règles de conduite et d’hygiène (rasage de la barbe) aux dépens de leurs convictions et croyances.
Shaheed a, en outre, relevé un certain degré d’intolérance face à la conversion religieuse dans la société tunisienne et une récurrence des discours religieux de haine et des accusations d’apostasie.
Néanmoins, l’expert estime que la Constitution de 2014 est très progressiste et peut servir d’exemple ou de source d’inspiration pour toute la région, garantissant à tout citoyen la liberté de conscience et de croyance et le droit au libre exercice des pratiques religieuses.
Il a, toutefois, noté que le chemin qui reste à parcourir est semé d’embuches avec des défis multiples liés à la lutte contre l’extrémisme violent, le développement économique durable, la consolidation des institutions démocratiques, la promotion de l’Etat de droit et la transformation des attitudes sociétales en favorisant le pluralisme et l’inclusion.
“C’est un défi pour n’importe quel pays de trouver un équilibre dans son approche des questions de sécurité tout en respectant les libertés fondamentales”, a déclaré Ahmed Shaheed.
“Les politiques qui renforcent la capacité des forces de sécurité à combattre le terrorisme en limitant les droits fondamentaux, tels que les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, ont souvent des conséquences désastreuses sur la liberté de religion ou de conviction”, a-t-il encore souligné.
Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction devrait présenter son rapport final sur les principales conclusions de sa visite et les principales recommandations au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies en mars 2019.