L’analyse des questions d’extrémisme et de radicalisation faite par le politologue français Olivier Roy se base sur des faits historiques qui remontent à l’histoire récente des actes violents commis partout dans le monde et qui ne sont pas systématiquement selon lui d’ordre religieux mais qui se nourrissent à la base de facteurs d’ordre psychique, social et idéologique.
Il revient jusqu’aux années 80, période de la montée des “opérations djihadistes” chez les jeunes musulmans partis en guerre en Afghanistan. Ces volontaires essentiellement maghrébins- libyens, algériens-, irakiens et saoudiens, en plus des turques et des kurdes “n’étaient pas des terroristes qui cherchaient le suicide mais des djihadistes militaires”.
Pour Olivier Roy, considéré parmi les premiers à avoir évoqué la question de la “fin de l’islam politique comme solution politique et idéologique”, cette question du combat chez les éléments du palestinien Abdullah Al Azam avait disparu avec l’assassinat de ce dernier. “Al Qaida” sous la conduite de son remplaçant Oussama Ben Laden avait cédé la place à une nouvelle tendance à la violence terroriste et la globalisation de l’action, bien que l’héritage du djihadisme est encore présent, explique Roy.
Le conférencier présent lundi à la foire internationale du livre de Tunis pour une rencontre sur “la religion, la politique et l’extrémisme dans le monde islamique” revient aussi sur les origines de l’attentat-suicide qui a été tout d’abord adopté par les chiites du Liban et n’est arrivé chez les sunnites que dans les années 90. Pour Olivier Roy, “ces modèles de passage à la violence qui existent aujourd’hui sont des modèles récents”.
Avec la venue du printemps arabe et le déclenchement de la guerre dans certaines zones de conflits et d’instabilité politique, sont apparues de “nouvelles techniques violentes d’attentats suicide pratiquées par Daech”, selon Roy. Pour lui, “il n’y a pas une généalogie islamique dans cette notion de violence”, même si “les radicaux ont cherché à puiser dans le texte coranique pour trouver des justifications théologiques pour leurs actes”. Dans ce sens, il avance une “notion imaginaire mystique apocalyptique qui servait d’arrière plan pour Daech” qui, dit-il “si elle était une organisation purement politique, elle n’aurait pas eu cet écho auprès de la jeunesse, fascinée par son mode opératoire”.
Auteur du livre “Le Djihad et la mort” (2016), le politologue précise qu’il existe “une différence entre la radicalisation religieuse et la radicalisation djihadiste”. Les “terroristes” vivant en Europe sont majoritairement des jeunes de la seconde génération de l’immigration dont la vision religieuse n’a rien à voir avec le djihadisme. A son avis, “ces radicalisés sont animés par des raisons d’ordre social et psychologique et non par de véritables convictions religieuses”. Chez la grande majorité de ces jeunes “le problème n’est pas théologique mais un problème de quête d’un aspect spirituel qu’ils pensent trouver dans cette image fascinante que leur transmet Daech”.
Dessinant les contours de la carte des pays les plus pourvoyeurs de terroristes en Syrie, il montre que la Libye, la Tunisie et le Kosovo sont en tête. Par contre pour un pays comme l’Inde avec plus de 200 millions de musulmans, aucun indien n’est sur la liste. Et même la cellule récemment trouvée au Kerala en Inde est totalement composée de convertis à l’islam, dit-il.
Parmi les djihadiste de l’espace franco-belge, il cite un chiffre de 30 pc de convertis. Ce même pourcentage est également enregistré aux USA et en Allemagne, alors que les convertis dans le Royaume-Uni et les Pays Bas sont autour de 25pc. Sa conclusion est : si la radicalisation était une action de population musulmane par rapport à des pressions politique, stratégique ou autre, que viendraient faire les convertis? Pour lui, “la radicalisation est à l’origine de la déculturation des religions…C’est quand le religieux cesse d’être vécu comme dans une continuité culturelle”.