Badreddine Aloui n’est pas mort, il a été assassiné!

Par : Autres
Bader n’est pas mort. Bader à été assassiné. Je compte plus le nombre de fois où l’ascenseur était en panne à Charles Nicole, à Mongi Slim et j’en passe, alors que je devais acheminer un patient en état critique au scanner, ou au bloc, ou à l’unité d’hémodialyse. Je ne compte plus les ambulances aux freins qui grincent, aux roues instables, l’odeur de l’essence, l’absence d’aération alors que tu transportes un malade Covid-19 seul dans 5 mètres carrés.
J’ai oublié combien de prises défectueuses j’ai touché. Combien d’interrupteurs arrachés j’ai manipulé.
J’ai oublié sous combien de néons arrachés je suis passée, sous combien de murs délabrés je me suis accroupie
Combien de fois j’ai été en contact avec du sang dont j’ignore la sérologie par manque de gants.
J’ai oublié ce que s’était que l’asepsie rigoureuse, les mesures de sécurité, les précautions
j’ai oublié les règles.
Tout simplement parce que les règles ont changé depuis quelques années, les pannes d’ambulances et d’ascenseur c’est la règle; le manque de moyens de protection c’est la règle.
LA MEDIOCRITE EST LA REGLE.
 Bader n’est pas mort. Bader a été assassiné.
Mais ce dont je me souviens très bien, c’est de ce sentiment de solitude face à une responsabilité de plus en plus grandissante et de plus en plus accablante.
Alors on prend le risque, on monte, on fonce, on court, on se pique, on s’électrocute, on tombe, on se donne la mort et on meurt. Parce qu’on est seul face à une vie humaine et puis voilà.
On serait tous montés dans ce fichu ascenseur si le résident des urgences avait appelé pour un malade.
On serait tous montés même si on savait que la semaine dernière il s’était bloqué 3 fois, ou que le matin même il avait été en panne, parce que les règles ont changé, parce qu’on est seul, parce que la responsabilité est accablante.
Bader n’est pas mort. Bader a été assassiné.
MAINTENANT QUE CHACUN PAYE SA PART DE RESPONSABILITÉ.
Nadia Dhraief, jeune médecin en réanimation anesthésie