La séance plénière à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) consacrée à un “dialogue sur la diplomatie parlementaire” avec le président du parlement Rached Ghannouchi, en lien avec la situation en Libye, a clos ses travaux vers 6h00 du matin ce jeudi. Cette séance avait démarré mercredi vers 23H30. Elle s’est poursuivie durant plus de six heures.
Intervenant au terme de la séance plénière tôt ce matin, le président de l’ARP, Rached Ghannouchi a indiqué qu’il a accepté “de son plein gré de tenir ce dialogue et avoir accueilli positivement les critiques qu’il considère comme des conseils”.
Ghannouchi a souligné, à cet égard, “l’importance du dialogue dans la résolution des litiges”, mettant en garde contre “les tentatives menées par certaines parties pour transférer la guerre qui se déroule en Libye vers la Tunisie”.
Tout en rappelant la position officielle de la Tunisie favorable à un règlement politique pacifique interlibyen, Ghannouchi a affirmé la nécessité d'”approfondir davantage le concept de la diplomatie parlementaire”.
“Comme le reste des parties, la diplomatie parlementaire se doit de consacrer les orientations de la politique étrangère de la Tunisie qui relèvent, selon la Constitution, de la compétence du président de la République, et ce en définissant les fonctions de sa mission”, s’est défendu Ghannouchi.
Lors du débat consacré à la discussion du deuxième point à l’ordre du jour de la séance plénière relatif à “la diplomatie parlementaire”, en rapport avec la situation en Libye, les avis étaient partagés.
Pour certains députés, cette séance plénière constitue “un heureux précédent ayant permis de demander des comptes au président du parlement et de l’inviter à reconnaitre ses erreurs pour avoir outrepassé ses attributions”. Pour d’autres, c’est une “perturbation et un blocage des travaux du parlement et une entrave à sa mission”.
Le député du bloc La Réforme et deuxième vice-président de l’ARP, Tarek Fetiti a appelé à la révision du règlement intérieur du parlement par l’ajout d’un article règlementant les procédures pour demander des comptes au président du parlement.
“Le président du parlement a commis une erreur lorsqu’il a contacté le président turc Recep Tayyip Erdogan et le président du parlement de la Turquie, sans en informer l’ARP, ou encore lorsqu’il a félicité le président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen, Fayez al-Sarraj, après la libération de la base militaire Al Wattia”, a-t-il estimé, appelant Ghannouchi à “reconnaître ses erreurs et ne pas les répéter”.
Seifeddine Makhlouf, président du bloc Al-Karama, a estimé que le fait de demander des comptes au président du parlement ne sert en aucun cas les intérêts du pays et des Tunisiens. “Cette plénière est un coup de théâtre qui nous fait perdre du temps et disperse nos efforts”, a-t-il dit.
De son côté, la présidente du bloc PDL (Parti destourien libre), Abir Moussi, a souligné que cette plénière se tient pour demander des comptes à Rached Ghannouchi, après “les violations qu’il a commises envers la politique extérieure de la Tunisie et la diplomatie parlementaire”.
“Ghannouchi n’a pas commis ces dépassements par erreur ou par mauvais calcul, mais c’est un pas vers la mise en œuvre de son agenda qui sert les intérêts de l’organisation des frères musulmans, référence idéologique du mouvement Ennahdha”, a-t-elle dit.
Moussi a, par ailleurs, accusé Ghannouchi “d’avoir profité de la conjoncture particulière imposée par la pandémie Covid-19 pour faire passer des projets de loi afin de servir son propre agenda”.
Pour sa part, la députée du bloc Ennahdha, Farida Laabidi, a critiqué les interventions de certains députés qu’elle qualifie de “fascistes” et de porteuses “d’exclusion” et ayant pour dessein “d’avorter l’expérience démocratique tunisienne”.
Laabidi a rappelé des activités du parlement depuis l’Assemblée nationale constituante en termes de diplomatie parlementaire, soulignant que le fait d’adopter le principe de neutralité à l’égard du conflit libyen n’est pas suffisant.
Lassad Hajlaoui (bloc Al Watania) a estimé, quant à lui, que la séance plénière se tient “non pas pour le dialogue mais pour faire des surenchères et marquer des points politiques”.
Fayçal Tebbini (hors groupe) s’est défendu :”nous en tant que députés nous n’avons rien à voir avec ce que fait le président du parlement sur le plan diplomatique”. “Je crois, a-t-il ajouté, que le président du parlement ne veut pas s’excuser, malgré la déclaration du président de la République affirmant qu’il n’y a qu’un seul Etat et un seul président, à l’intérieur et à l’extérieur du pays”.
Durant la séance de la matinée, les députés avaient voté en faveur de l’ajout de deux heures pour la durée consacrée à l’examen du point relatif à la “diplomatie parlementaire”, contre trois heures prévues initialement. La séance plénière de l’ARP avait démarré, mercredi vers 10H30, et a été marquée dès le début par un vif débat sur le déroulement de la séance et son ordre du jour.
La séance de la matinée était consacrée à l’examen du projet de la motion du bloc PDL dans laquelle il rejette “l’ingérence étrangère en Libye et la création d’une base logistique sur le territoire tunisien pour la faciliter”. La motion n’a pas obtenu la totalité des 109 voix requises pour son adoption avec 94 voix pour, 68 voix contre et 7 abstentions
La séance plénière de l’ARP intervient sur fond de vive polémique autour des contacts menés par le président du parlement Rached Ghannouchi avec une partie prenante du conflit libyen. Plusieurs partis et personnalités politiques ont critiqué Rached Ghannouchi, estimant qu’il a outrepassé ses prérogatives en tant que président de l’ARP.