Tunisie : Divergences entre députés après le retrait de l’article 20 du projet de loi

La séance plénière de l’Assemblée nationale constituante de ce mardi a donné lieu à des divergences entre députés après le retrait de l’article 20 du projet de loi portant création de l’instance provisoire de l’ordre judiciaire. Des députés du groupe démocratique ont critiqué la suppression de cet article qui stipulait que « les mutations et nominations effectuées par arrêté du ministre de la Justice doivent être soumises impérativement à l’Instance provisoire de la justice judiciaire ».

La persistance à abandonner des articles de ce projet de loi « revient à vider le texte de sa substance et à le recaler dans son ensemble », ont-ils estimé. Le député Mourad Amdouni (groupe démocratique) est allé jusqu’à qualifier la suppression de cet article de dévoiement des compromis convenus au sein de l’assemblée. Il a pointé du doigt « une intention délibérée d’imposer une mainmise sur la magistrature en renonçant à certains articles et en vidant ainsi le projet de loi de sa substance ».

Quant au chef du groupe d’Ennahdha Sahbi Atig qui a fait part de l’attachement à la mise en place de l’instance de l’ordre judiciaire, il a déclaré en substance : « S’il y a quelqu’un qui s’emploie à faire capoter le projet de loi c’est bien celui qui n’en vote pas les articles ». Par contre, pour le ministre de la Justice, Nadhir Ben Ammou, toute la question est de spécifier la signification exacte du terme « soumettre » qui figurait dans l’article abandonné, « autrement dit s’il s’agit d’émettre un avis ou de prendre la décision ».

La remise en question des nominations et mutations effectuées par ordonnances du ministre de la Justice après le 14 janvier 2011, a-t-il mis en garde, pourrait désorganiser le fonctionnement des juridictions et compromettre les droits des justiciables, dans la mesure où les arrêts rendus par des magistrats mutés à d’autres tribunaux doivent faire l’objet d’une procédure en révision. Après cet échange, les députés ont voté l’article 21 qui dispose que « la mission de l’instance prend fin automatiquement dès que la nouvelle Constitution aura été promulguée et que l’institution constitutionnelle en charge de l’ordre judiciaire entre en fonction ». La présidente de la commission de législation générale, Kalthoum Badreddine, avait fait remarquer que la faible présence à la séance plénière, de l’ordre de 115 députés, risquait de rendre malaisé l’adoption de certains articles controversés, en particulier celui relatif à la composition de l’instance.

Il a été procédé, au cours de la même séance, à l’abandon de l’article 19 prévoyant « la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature immédiatement après la proclamation des résultats de l’élection de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire ». Les députés ont voté l’article 12 stipulant que « l’Instance statue sur le mouvement des magistrats et examine les demandes d’affectations et de mutations ». Il en est allé de même pour l’article 13 qui dispose que « l’instance statue sur les demandes de démission et d’admission à la retraite anticipée, de même que sur les demandes de levée de l’immunité ».

L’article 15 a été, lui aussi, voté. Il concerne les délais de recours contre les décisions de promotion, de mutation ou de nomination, auprès de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire et ouvre la possibilité d’attaquer ces décrets devant le Tribunal administratif.

La poursuite de l’examen du projet de loi portant création de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire a été reporté au lendemain, mercredi, à la demande des chefs du groupe du CPR, de celui d’Ettakatol et du groupe démocratique pour « laisser le temps à de vrais compromis ».

Latitude a ensuite été donnée aux députés pour émettre des remarques en application de l’article 89 du Règlement intérieur.

Ces dernières ont porté principalement sur la situation dans certaines régions et sur la polémique en cours au sujet des indemnités des députés et du régime parlementaire. Le député Abderrazak Khallouli (indépendant) a qualifié d’« insultants, mensongers et attentatoires à la réputation des députés » les déclarations de Mongi Rahoui concernant les indemnités parlementaires. Le député Tarek Bouaziz (indépendant) a, lui, déploré « l’offensive féroce » menée contre l’Assemblée nationale constituante.

« Les députés ne sont ni des voleurs ni des pilleurs des deniers du peuple », a-t-il dit. De son côté, le député Jamel Touir (Ettakatol) a demandé à la présidence de l’Assemblée d’organiser une conférence de presse « pour mettre au clair la question des indemnités des députés et celle du régime parlementaire », estimant que les deux questions avaient été présentées à l’opinion publique d’une manière dommageable aux députés et susceptible de faire douter de la légitimité de l’assemblée ».