Ingérence étrangère, membre de la même famille dans le paysage politique et violence politique. Tous les ingrédients d’une «libanisation» de la vie politique tunisienne sont là.
Etats-Unis d’Amérique, Qatar, Allemagne, Algérie… On ne compte plus les pays qui sont «intervenus» à quelque titre que ce soit dans les affaires tunisiennes depuis la Révolution du 17 décembre 2010. Voulant sans doute grossir le trait, un chroniqueur de la télévision a qualifié l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique à Tunis de «délégué permanent auprès de la Tunisie». Ce dernier a été de toutes les tractions du Dialogue national. Se faisant inviter dans les débats aussi bien auprès des gens du gouvernement que ceux de l’opposition et du Quartet. Attirant les critiques aussi bien d’une partie de la classe politique que de l’opinion.
Il s’agit là d’un trait dominant de la scène politique tunisienne qui a fait parler d’une «libanisation» de la Tunisie. Il n’est pas le seul. Autre trait que partagent les scènes politiques tunisienne et libanaise: la présence de «familles» à la barre. Car, depuis le 17 décembre 2010, il y a en Tunisie des «Hariri», des «Chamoun», des «Salama» ou encore des «Jemayel»… Et on retrouve, dans le même camp et de tout dans le Paysage Politique Tunisien (PPT): le mari et l’épouse, le père et le fils, le frère et la sœur et des frères.
Une certaine «Arouchya» des temps nouveaux qui veut que les liens du sang finissent toujours par imposer les mêmes choix. On a vu ainsi l’épouse suivre son mari lorsque ce dernier a fini par vouloir quitter son parti pour faire cavalier seul.
Batailles rangées entre des «Arouch»
Inutile de faire un dessin, le dernier trait dominant de cette «libanisation» est bien la violence politique. Depuis du moins le 18 octobre 2012, la Tunisie a connu, à ce propos, trois assassinats politiques: Lotfi Nagdh (18 octobre 2012), Chokri Belaïd (6 février 2013) et Mohamed Brahmi (25 juillet 2013).
Des crimes dont les auteurs courent toujours. Comme au Liban où la justice n’a pas mis la main sur ceux qui ont tué l’ancien président de la République René Moawad (assassiné le 22 novembre 1989) et l’ancien Premier ministre Chafik Hariri (assassiné le 8 juillet 1999). Pour ne citer que ces derniers.
Et les assassins que l’on soupçonne d’avoir accompli ces crimes sont-ils vraiment ceux-là? Beaucoup disent que, comme au Liban, les commanditaires ne seront sans doute jamais connus.
La violence n’a pas pris la seule forme des assassinats politiques. Loin s’en faut. Et comme au Liban, pays où cohabitent de nombreuses communautés religieuses, la Tunisie a vécu à l’heure de batailles rangées entre des «Arouch» (tribus). Les événements de Ksar Hellal de mars 2011 et de Metlaoui de juin de la même année en disent long sur cette réalité.
Des violences encouragées par la division en deux camps de la société tunisienne. D’un côté, le camp des traditionnalistes formés pour l’essentiel des partisans d’un modèle sociétal construit autour des valeurs de la religion musulmane. De l’autre, le camp des modernistes qui sont pour un modèle laïc.
Et les occasions ne manquent pas tous les jours pour les opposer davantage. Un jour c’est la diffusion d’un film, un autre c’est le statut de la femme, un troisième c’est l’institution des biens habous ou une loi sur les mosquées…
Autant dire que l’on n’est pas sorti de l’auberge!
Article publié sur WMC