Tunisie-Santé : Lorsque le premier à crier au loup est le ministre de la Santé

Le secteur de la santé publique doit être au cœur des efforts des gouvernements pour améliorer et promouvoir la santé et le bien-être de leurs citoyens. C’est ce que n’arrêtent pas de dire les experts internationaux qui considèrent que «pendant des siècles, le domaine de la santé publique était cantonné à l’hygiène, à l’assainissement et à la lutte contre les maladies transmissibles, mais ces dernières années il s’est élargi pour englober de nouvelles préoccupations sociales. On attend de l’infrastructure de la santé publique qu’elle apporte une réponse aux problèmes posés par les nouvelles technologies, par les effets de la mondialisation, par la migration et par la menace potentielle du terrorisme biologique».

Par conséquent, le rôle de tout ministre en charge de la Santé est celui d’impulsion et de mise en œuvre d’une politique de santé anticipative, préventive et soucieuse du bien-être de la population.

S’agissant du ministre de la Santé tunisien, quel rôle joue-t-il exactement à part celui de crier au loup et d’annoncer les mauvaises nouvelles, nous assénant coup sur coup, sans proposer de solutions, sans parler de stratégies ou de plans pour le sauvetage d’un secteur en déperdition et se confinant dans des déclarations de mauvaise augure avec une absence totale d’émotions, un flegme et un sang-froid révoltants ?

A chaque fois que ce ministre sort dans les médias, il met le pied dans le plat ! Ses dernières déclarations ont concerné tour à tour la corruption, la pénurie des médicaments et la prolifération des maladies tropicales.

Au mois de mars 2018, en visite dans un entrepôt de stockage de médicaments au Bardo, il avait évoqué l’existence de dossiers de corruption dont quatre au sein de son département. Il avait également déploré l’absence d’organisation dans le stockage de médicaments comme si le ministère n’était pas dirigé par lui-même et comme si la responsabilité ne lui en incombait pas !

Le monde à l’envers !

Ensuite, cette compétence rarissime dans la gestion des départements ministériels, et laquelle serait l’un des élus de la Ennahdha, au poste de chef du gouvernement, selon de nombreuses sources, a estimé que la pénurie des médicaments était non alarmante puisque, semble-t-il, à chaque fois qu’il envoie son chauffeur en chercher dans une pharmacie, ce dernier en trouve (sic) !

Et pour terminer, un autre coup de grâce au peuple tunisien déprimé à force de voir des incompétences notoires gérer des ministères très importants à ses dépens pour des considérations politico-politiciennes, il a annoncé dans l’impassibilité la plus totale les risques épidémiologiques probables qui pèsent sur la Tunisie, en raison des forts déluges qui ont inondé des régions de la Tunisie ces dernières semaines ! Suite à quoi, et lors d’une réunion à Nabeul, il s’est empressé de parler de la réactivation de la cellule de crise de prévention contre les maladies épidémiques, citant 69 personnes suspectées d’avoir été atteintes par le virus du Nil Occidental alors que Insaf Ben Alaya, directrice générale de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes (ONMNE), a parlé de tout juste 11 cas suspects détectés, dont trois confirmés.

“Des vaches folles dans son propre département”!

Le ministre de la Santé a également cité la maladie de la vache folle lors de sa réunion à Nabeul, semant ainsi la peur et portant à mal la filière bovine, ce à quoi a également rétorqué ironiquement Abdelmajid Ezzar, le président de l’Union nationale des agriculteurs (UTAP) : «Nous n’avons pas entendu de la maladie de la vache folle dans notre pays, mais il est fort possible qu’il y ait des cas recensés par le ministre lui-même dans son propre département» !

Nous nous serions attendus à ce que Imed Hammami annonce qu’une cellule de crise a été mise en place illico presto avec son homologue au ministère de l’Environnement pour éliminer tout risque de prolifération de ces pandémies et les mesures décidées par son ministère pour une prise en charge rapide des personnes atteintes. Mais avec un sadisme rarissime chez un haut responsable, il nous brosse à chaque fois le tableau le plus noir de son ministère et de la situation dans le pays !

Un ministre angoissant…

Pr Skander Boukhari, psychiatre, a d’ailleurs commenté ses déclarations ainsi : «Le ministre de la Santé est stressant par ses déclarations maladroites, et angoissant par sa froideur glaciale».

C’est lui aussi qui avait dénoncé une initiative destinée à pourvoir de médicaments ceux qui n’en trouvent pas : «Voilà où on en est avec ce ministre de la Santé. Des personnes bénévoles se chargent de vous ramener vos médicaments introuvables. L’anarchie va toucher un des secteurs les mieux organisés depuis l’aube de l’indépendance».

Face à cette incapacité de gérer un département aussi important, monsieur le ministre, devrions-nous nous attendre à ce que, dans votre prochaine déclaration et pour nous rassurer, vous nous conseilliez de nous faire soigner par la «Roqya Char3ia»?

Pourtant, votre ministère fourmille de compétences et pendant que vous vous complaisez dans vos déclarations apocalyptiques, il y a des gens qui travaillent même si vous en avez beaucoup écarté des centres de décisions, nommant ceux qui correspondent le plus à vos orientations idéologiques pour le grand malheur des Tunisiens.

Ainsi, des sources fiables au ministère de la Santé nous ont assuré qu’il y a eu tout un programme pour lutter contre la pénurie des médicaments en informatisant tout le système de la PCT (Pharmacie centrale de Tunisie) et du ministère, allant de l’acquisition des médicaments au dispatching entre les différents établissements de la santé publique et leurs pharmacies, et ce en temps réel et par un simple claquement de doigt.

Et sur un tout autre volet, pour lutter contre des fléaux, tel le choléra, tout juste après les cas recensés en Algérie, il a fallu associer tous les concernés, ministères de l’Agriculture, de l’Intérieur, de la Défense et autorités locales avec le ministère de la Santé pour procéder quotidiennement à 3 à 6 prélèvements d’eau dans les sources et les plans d’eau situés sur les régions frontalières afin d’éviter la prolifération de cette épidémie dans notre pays.

Au final, sait-il ce qui se passe réellement dans son ministère?

Le ministre en était-il au courant ? Pourquoi n’en avait-il pas parlé dans le détail ?

Enfin, monsieur le ministre, sachez que toutes les civilisations depuis des siècles ont pris des mesures d’assainissement, d’hygiène et de quarantaine pour combattre des pandémies graves telles que le choléra ou le typhus. Pour ce, les hommes d’Etat ont de tous temps pris des mesures de préservation de la santé publique de façon rationnelle et systématique.

Mais encore faut-il être compétent, qualifié, humain et soucieux des malheurs du peuple et des électeurs qui pensent qu’il suffit d’avoir peur de Dieu pour mettre fin à toutes les peurs et juguler tous les risques.

Quelle naïveté !

Amel Belhadj Ali