La juriste tunisienne Hafidha Chkir a affirmé lundi que la campagne de dénigrement visant la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) est le prélude pour une remise en cause de l’ensemble des conventions de défense des droits humains, ratifiées par la Tunisie.
“La CEDAW est visée par certaines parties qui diffusent des informations erronées et infondées en vue de la présenter comme une convention qui autorise le mariage homosexuel”, a dit Mme Chkir lors d’une table ronde organisée par la coalition pour les femmes de Tunisie en collaboration avec le réseau méditerranéen des droits de l’Homme.
Mme Chkir a mis en garde contre les dangers que représentent l’article 79 dans la troisième copie de la Constitution qui stipule que “le Chef de l’Etat peut exceptionnellement soumettre au référendum les projets de loi adoptés par l’Assemblée des représentants du peuple qui ne sont pas en contradiction avec la Constitution en vertu d’une décision de la Cour Constitutionnelle. Ces textes sont relatifs aux droits, aux libertés et au Code du Statut personnel ou encore en rapport avec les conventions internationales”.
Elle a considéré que cet article permet au Chef de l’Etat, à travers le référendum, de remettre en cause les conventions internationales avec la possibilité de les annuler, citant en particulier la convention CEDAW d’où une menace pour les acquis de la femme, a-t-elle dit.
Elle a aussi expliqué que les principes contenus dans la CEDAW sont les mêmes que ceux énoncés dans la déclaration internationale des droits de l’Homme, soulignant que 187 Etats ont adopté la CEDAW, dont 19 pays arabes parmi lesquels le Qatar. Seuls la Somalie et le Soudan n’ont pas encore adopté cette convention.
La juriste tunisienne a aussi affirmé que la troisième version du brouillon de la Constitution comporte des remises en cause des droits des femmes et des conventions internationales.
Analysant l’article 6 du brouillon de la constitution qui stipule que les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs et qu’ils sont également égaux devant la loi sans discrimination, Mme Chkir a indiqué qu’il est important de préciser la nature de la discrimination et de spécifier qu’il s’agit d’une non-discrimination sur la base du genre, de la religion et de la langue comme le stipule les conventions internationales.
Evoquant l’article 11 qui énonce que la femme et l’homme sont partenaires dans l’édification de la société et de l’Etat, Mme Chkir a considéré que cette formulation renvoie de nouveau, en d’autres termes camouflés, à la notion de « complémentarité » énoncée dans l’article 28 du premier brouillon de la Constitution. Elle a aussi affirmé que le partenariat auquel fait allusion l’article 11 ne signifie pas l’égalité entre homme et femme.
De son côté, le porte-parole officiel du réseau “Doustourna”, Jawhar Ben M’barek a souligné que le troisième brouillon de la Constitution n’est pas fondé sur le consensus mais qu’il s’agit plutôt “d’une copie à l’amiable”.
Il a proposé de remplacer la phrase “fondé sur les constantes de l’Islam” contenu dans le préambule de la Constitution par la phrase « s’inspirant des principes de l’Islam, de ses valeurs et de ses fondements d’ouverture et de modération”. M. Ben M’barek a expliqué que la formulation telle que citée dans la Constitution renvoie aux fondements de la Chariaa islamique d’où le risque d’ouvrir la voie à l’interprétation.
Sur un autre plan il a indiqué que le fait de spécifier dans l’article 5 que l’Etat protège la religion “n’est pas non plus innocent” proposant de la remplacer par “les religions”.
Dans son analyse critique M. Ben M’barek a aussi relevé la nécessité de remplacer la phrase “l’instrumentalisation partisane” contenue dans l’article 5 par la phrase “l’instrumentalisation politique”.
Pour ce qui est de l’article 22 qui stipule que “le droit à la vie est sacré et ne peut être modifier que dans les cas précisés par la loi », M. Ben M’barek a estimé que cette formulation vient consacrer la peine capitale et l’interdiction du droit à l’avortement.