Telle que consacrée dans le chapitre IV du projet de la nouvelle constitution, la distinction entre “pouvoir judiciaire” et “fonction de juger” est un “clivage théorique délétère” qui n’est pas sans éroder l’indépendance de la justice, nuire aux garanties liées aux magistrats et léser les intérêts des justiciables”, a prévenu Asma Ghachem, professeure de droit constitutionnel, lors d’une communication présentée dans le cadre des travaux de l’Association tunisienne de droit constitutionnel (ATDC).
Pour la constitutionnaliste, la fonction de juger constitue en soi une “anomalie juridique” est ” un fait peu familier “, en ce sens que les constitutions de 1959 et de 2014, ont proclamé la justice “un pouvoir à part entière” dont l’exercice est réglementé par la constitution”, contrairement à la fonction judiciaire qui renvoie à l’exercice de la profession judiciaire.
L’experte a précisé que le législateur constituant était, somme toute “sobre et concis” lorsqu’il était question d’aborder le statut des trois ordres judiciaires, préférant aborder “les principes” sans verser dans les détails.
Il s’agit là d’une “régression” par rapport à la rédaction du draft présenté par le comité national consultatif pour une nouvelle république, précisant qu’en vertu de l’article 120 du projet de la nouvelle constitution, la désignation des magistrats s’effectue par voie de décret présidentiel et sur candidature validée par le conseil supérieur de la magistrature, contrairement à la constitution de 2014 qui exige un “avis conforme” dudit conseil.
Traitant du statut des juridictions d’exception dans le projet de la nouvelle constitution, la juriste a souligné que le nouveau texte était “silencieux” contrairement à la constitution de 2014.
Il en est de même du statut du parquet ainsi que de la délicate question de “la politique pénale de l’Etat”, un des acquis du texte précédent.
Quid de la justice financière ? la constitutionnaliste a émis de sérieuses appréhensions face au silence du dispositif constitutionnel, estimant que le nouveau projet en fait “le parent pauvre”, laissant planer des zones d’ombre sur l’avenir de cette justice.”Nos appréhensions sont bien justifiées, tant que le statut de la justice financière demeure tributaire d’une simple modification de la loi électorale.”, a-t-elle fait savoir.