Tunisie : La diffusion de deux émissions télé sur la mort des nouveau-nés interdite par un juge d’instruction

Le juge d’instruction du dixième bureau du tribunal de première instance de Tunis a rendu jeudi deux décisions interdisant l’émission télévisée “les quatre vérités” sur la chaîne privée Al Hiwar Attounissi portant sur la mort de plusieurs nouveau-nés dans une maternité à Tunis et la rediffusion du programme “50-50” de la chaine privée “Carthage +” sur la même affaire.

Les décisions d’interdiction de diffusion sont motivées par le fait que le traitement médiatique dans l’instruction en cours dans cette affaire sans autorisation préalable aurait pour effet de nuire à l’intégrité de l’investigation, enfreint aux principes de la confidentialité de l’enquête pénale et constituerait une ingérence dans le cours de la justice et serait contraire aux dispositions de l’article 109 de la Constitution qui interdit toute ingérence dans la justice.

Pour sa part, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) s’est déclaré “choquer” par la décision de suspendre une partie du programme des “quatre vérités” par le juge d’instruction. Il a estimé que cela constituait “un dangereux précédent qui compromettrait les acquis de la liberté d’expression et de la presse après la révolution et présage du retour de la tyrannie, de la mise au pas et de l’instrumentalisation de la justice au service du pouvoir exécutif”.

Le SNJT affirme que “la décision était une violation explicite de la Constitution de 2014 qui stipule dans son chapitre 31 que “la liberté d’opinion, d’expression, de média et de publication est garantie et qu’on ne peut pas exercer un contrôle préalable sur ces libertés”.

Le syndicat a indiqué que l’interdiction de la rediffusion de l’émission 50/50 sur Carthage +, “n’était qu’une couverture d’une décision politique visant à empêcher le débat sur une affaire d’opinion publique que l’autorité cherchait à masquer, à en contrôler les détails et à empêcher les médias de s’acquitter de leur rôle d’enquête et de supervision, ce qui renforce les soupçons sur les causes réelles du drame de la mort des nourrissons”.

Le syndicat a appelé tous les journalistes et les institutions médiatiques “à ne pas se soumettre aux tentatives visant à mettre au pas les médias et à les ramener à la tyrannie afin de pouvoir jouer leur rôle naturel en éclairant l’opinion publique”, exigeant de toutes les composantes de l’autorité judiciaire “à se conformer à la loi avec neutralité et indépendance et à ne se soumettre à aucun dictat qui affaiblirait la confiance des citoyens aspirant à une justice indépendante qui œuvre à la défense des droits et des libertés, au premier rang desquels la liberté d’expression et de la presse”.

Le ministère public s’est engagé à enquêter sur un certain nombre d’affaires portant sur la mort d’un groupe de nourrissons dans des circonstances mystérieuses et suspectes à la suite de leur admission au service de réanimation du Centre d’obstétrique et de gynécologie de Tunis du 6 au 8 mars, rappelle-t-on.

Le centre de maternité de l’hôpital Rabta a enregistré jeudi 7 et vendredi 8 mars 11 décès parmi les nouveau-nés, avant que le nombre de morts atteigne 12, selon le ministère de la Santé qui a aussitôt ordonné l’ouverture d’une enquête.