Multiplication des poursuites contre les journalistes

Mouldi Zouabi, ancien journaliste à la chaîne «El Hiwar ettounissi» et actuel directeur du bureau de l’Agence Tunis Afrique presse à Jendouba, comparaîtra demain, 21 mai 2014, devant la cours d’appel du Kef, dans le cadre d’une affaire pour laquelle il a été condamné, le 8 novembre 2010, à une amende. Ce procès est intenté par un partisan du parti au pouvoir déchu, pour «agression violente». Les organisations internationales avaient, à l’époque, suivi cette affaire et avaient estimé que le jugement est à caractère politique et qu’il est motivé par la publication d’articles signés par Zouabi sur le site de «Kalima», dans lesquels il traite de la corruption au sein de l’organisation des scouts. Les faits remontent, donc, à l’année 2010, quand le plaignant, avocat pro-RCD et fils d’un dirigeant de l’organisation des scouts a agressé, violemment, Ali Zouabi et lui avait arraché des documents personnels, dont sa carte de presse professionnelle. Suite à quoi Zouabi avait porté plainte, sauf que sa requête avait été rejetée au moment où une plainte à son encontre fut déposée pour agression avec violence sur l’avocat agresseur.

De son côté, Yassine Nebli, journaliste à «Sawt Echaâb», comparaît, également, le jour même que Zouabi devant la chambre criminelle de la cours d’appel de Tunis, dans l’affaire 1327/14, après plusieurs reports des séances consacrées au verdict, dont la dernière date du 02/04/2014. L’affaire est motivée par une plainte déposée par une investisseuse et présidente d’un parti politique, pour diffamation, en vertu de l’article 55 du décret loi 115, suite à la publication d’un article dans «Sawt Echaâb», en date du 15 novembre 2012 et intitulé «Korba, Henchir Ayad : Les agriculteurs revendiquent à l’Etat la restitution de la terre»,

Le tribunal de première instance de Tunis avait déjà décidé d’un non lieu pour annulation des procédures de poursuite, en janvier 2013. La plaignante avait, par conséquent, décidé de faire appel, le jugement n’étant pas en sa faveur.

Taoufik Ben Brik, journaliste et propriétaire du journal «Contre le pouvoir», a, pour sa part, reçu une convocation, le mercredi 14 mai 2014, adressée par la première brigade centrale de recherches relevant de la brigade nationale d’El Aouina, pour interrogatoire, le jeudi, suite à une plainte déposée par le syndicat de base des cadres et des agents des forces de la sûreté nationale de la zone sécuritaire», à propos d’un article publié dans le numéro 38 de «Contre le pouvoir», en date du 06 octobre 2012.

Ben Brik déclare, à l’Observatoire de Tunis pour la Liberté de la Presse, que l’article incriminé comporte la formule «les agents de police sont des chiens», formule inspirée du livre d’Abderrahmane Mnif. Ben Brik ajoute : «je ne me présenterai pas à l’audience et je n’accepte pas d’être interrogé, parce que je suis contre la poursuite des journalistes pour leurs articles et écrits».

Le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse exprime sa solidarité avec Zouabi, Nabli et Ben Brik et rappelle son rejet des jugements des journalistes pour leur travail journalistique. Le Centre insiste sur l’importance de l’adoption du recours au principe du droit de réponse en lieu et place du recours à la justice et appelle les syndicats, les partis politiques et toutes les composantes de la société civile à admettre la critique et à s’écarter des poursuites judiciaires contre les journalistes à cause de contenus journalistiques, vu la menace que de telles pratiques font peser sur la liberté de la presse.

Le Centre exprime, également, son étonnement devant le maintien du jugement de Zouabi, des années durant, pour des accusations infondées, d’autant que l’opinion publique sait les conditions dans lesquelles cette accusation a été formulée, sachant que le plaignant est, lui-même, fils d’un dirigeant dans les scouts tunisiens, ce qui renseigne sur le fond de cette affaire, suscitée suite à la publication d’articles qui traitent de la corruption dans cette organisation. Le Centre appelle à classer ce dossier et à mettre fin au procès de Zouabi, héritage résiduel de la dictature, dont il suffit de faire le parallèle entre le classement de la plainte du journaliste, principale victime de l’agression, et le maintien, depuis des années, d’une plainte déposée par l’agresseur.

(Communiqué: l’Observatoire de Tunis pour la Liberté de la Presse)