Festival Carthage 2013 “La Hadhra 2013” à guichets fermés : Transe, Catharsis et Révérence

Affichant complet et à guichets fermés, le Théâtre romain de Carthage a accueilli hier la première soirée musicale tunisienne avec la version 2013 de la Hadhra de Fadhel Jaziri.

Après la version originale et la Nouba, Fadhel Jaziri et toute son équipe artistique et technique ont offert pendant plus d’une heure et demi à la file, une soirée inspirée de notre patrimoine musical spirituel authentique et cadrant parfaitement avec l’ambiance ramadanesque.

Aussi rayonnant qu’éloquent, dans une chorégraphie cette fois allégée, le retour à l’esprit de la Hadhra s’est misé sur deux valeurs sures: le visuel et le sonore.

Dans cette nouvelle construction scénographique, la vision artistique de Fadhel Jaziri s’est imposée, à travers plusieurs nouveautés à commencer par l’image. Assis et debout, le public a eu droit à une harmonie étudiée au niveau des costumes traditionnels, de la répartition des danseurs et tourneurs, sous le halo de lumière où le jeu de l’éclairage n’a pas été oublié.

Coté musical, et dans une ambiance “d’inchad”, de “madih” et de “dhekr”, les chants liturgiques de notre patrimoine musical tunisien ont été cette fois interprétés non seulement par les deux vedettes Karim Chouaib “fares Baghdad” et Hédi Donya “Rayes labhar”, mais aussi par d’autres jeunes talents. Les fins connaisseurs des jeunes voix auraient sûrement reconnu la présence en première rangée des “mounchidins” du chanteur lyrique Haythem Hadhiri.

Vêtu d’une djebba et non cette fois d’un costume d’opéra, il a chanté en solo et pour la première fois en A capella la célèbre chanson “Ellayl zéhi”, et en solo des parties de Sidi Mehrez “Jaret lachwek” “Khammar yal khammar” et “ala Bni Mariam”.

Plein de nostalgie, dans une atmosphère de purification et de transe, le spectacle était un cocktail varié d’invocations religieuses, d’imploration, de supplication livrées par une musique liturgique et des chants sacrés interprétés aux sons des instruments de percussion classiques (bendir, doff…). Voulant apporter une touche de modernité en introduisant d’autres instruments tels que le saxophone, le clavier, la guitare basse et le violon, les sonorités ont été chichement écoutés à l’ouverture et à l’introduction de chaque chanson, dans l’esprit de la tijania et du stambali.

Au delà du spectacle lui même, Fadhel Jaziri a donné délicatement et intelligemment un clin d’oeil au patrimoine soufi tunisien empreinté, à travers le tapis sonore, aux égyptiens, turcs mais aussi aux pakistanais, tout en faisant revivre et rappeler surtout l’ambiance des zaouias, aujourd’hui menacées et vouées à l’oubli. Mais, la chanson “El Ghiba” (L’absence) était là pour rappeler : “Pourquoi avez-vous oublié la tradition?”. Avec beaucoup d’écoute, le public a eu ce qu’il attendait pour vivre de véritables moments de Catharsis et de révérence. Cela n’empêche que pour plusieurs centaines de festivaliers qui n’ont pas pu trouver de place, le directeur du festival de Carthage Mourad Sakli aurait assuré que la capacité des gradins n’a pas outrepassé la vente de billets…