«Et puis ce n’est pas notre pays … » !

Par : Autres

Remarque : «Djihadiste », un néologisme orthographié à la manière des Français colonisateurs qui ont retenu la prononciation dialectale des kabyles algériens «dj» à la place du «j». On en voit la continuité en Tunisie avec «Djerba», «Djemmal», «Belhadj» … alors que l’orthographe correcte est «Jerba», «Jammal», «Belhaaj» …
L’article est intéressant dans la mesure où il met en opposition, d’un côté, un journalisme qui, selon un certain «salafiste jihadiste», «s’attaque aux salafistes, les critique et s’ acharne sur eux (les salafistes)», et de l’autre, la «leçon moralisatrice » de la journaliste qui a interviewé le «salafiste jihadiste». Enfin, l’ossature de l’article contenant l’analyse et les déductions de l’auteure Amel Belhadj Ali.

A- L’INTERVIEW

On se suffit, bien sûr, de ce que Amel Belhadj Ali nous a rapporté de «cette conversation qui a eu lieu en ma présence entre un jeune salafiste, qui n’en a pourtant pas l’apparence, et une consœur lors de la manifestation du samedi 23 février » et qu’elle qualifie : d’«Authentique !» .

On ne doute pas de «l’authenticité» des propos ni de l’honnêteté de l’auteure. Seulement, vu le contexte, c’est plutôt une conversation qu’une interview. Samedi 23 février 2013, répondant à l’appel du front populaire pour le sujet devenu chicklet et cliché («qui a tué Ch Belaid ?»), à peine deux milles personnes étaient présentes. Les pancartes (photo de B Ali), les slogans («un bon islamiste est un islamiste en prison) et la présence des «Blak Blocs Tunisie» cagoulé(e)s en disent long sur la «démocratie laïque et communiste». La «consœur» a remarqué la présence d’un «salafiste jihadiste». A-t-elle voulue le provoquer ? A-t-elle voulu en savoir plus ? En tout cas, la première intervention du «salafiste jihadiste» montre bien qu’il répond à un discours.

Disons que c’est une interview. Elle est la preuve d’un manque flagrant de professionnalisme. Le discours de la «consœur» repose sur un sentimentalisme désuet, est démagogique et, pire, se veut moralisateur. Personnellement, je crois savoir qui est cette «consœur» aveuglée par l’endoctrinement islamophobique.

Les propos du «salafiste jihadiste» sont pleins de messages et de signes révélateurs. C’est un appel patent au secours d’un jeune tunisien qui a, semble-t-il, rompu tous ses rapports affectifs avec son pays, son peuple, ses parents : «Et puis ce n’est pas notre pays, nous ne nous y sommes jamais sentis chez nous et elle ne nous a jamais rien donné» ! Est-ce vrai ?

En 1955, Bourguiba a massacré des milliers de citoyens au sud tunisien par l’aviation française, sous prétexte de « youssefisme ». Des «yousséfistes», Bourguiba en a assassiné des centaines, jeté en prison des milliers, persécuté le reste ainsi que toutes les familles prétendues « youssefistes ». Ce scénario fut répété avec «les islamistes» dès les années 1980 puis repris par B Ali. Oui, les autres opposants l’étaient aussi mais ni avec le même acharnement ni avec les mêmes méthodes. Que dire quand les services de sécurité s’intéressent aux quelques prieurs qui vont à la mosquée pour la prière de l’aube et qu’on interdise aux uns et on intimide les autres ? En fait, tout tunisien qui fait la prière était suspect. Ce «salafiste jihadiste» connaît l’histoire, regarde la télé, écoute la radio, a vu les photo, lu et entendu les slogans ce samedi 23 février 2013 sur l’avenue Bourguiba. Qu’il soit réellement «salafiste jihadiste» ou politiquement «islamiste» ou simplement un tunisien ordinaire qui a horreur de la «laïcité» comme la présentent les médias et les laïcs francisés de Tunisie, que voulez-vous qu’il pense et qu’il dise ?

B- LES MEDIAS

«Arrêtez de vous attaquer aux salafistes, ne les critiquez plus…», s’insurge le «salafiste jihadiste».
Réponse de la « consœur » qui l’a interviewé «Mais personne ne s’attaque aux salafistes, dans nos émissions, nous rendons tout simplement compte de ce qui se passe sur le terrain, personnellement j’essaie d’être aussi objective que possible. Cependant, il y a aussi certains faits que nous devons dénoncer, ce n’est pas contre les salafistes mais pour protéger le pays»

!! Est-ce vrai ?

Depuis 2011, on rejoue le même scénario dans les médias. Depuis, il ne se passe pas une seule minute sans qu’on entende une accusation, un gonflement de fait, une intox et même un appel à «exterminer les islamistes». Si ce n’est pas s’attaquer aux salafistes, c’est quoi, chère «consœur» ? Pour «rendre tout simplement compte de ce qui se passe sur le terrain», est-il nécessaire, «consoeur» de retoucher des images, de mettre des vidéos fabriquées, anciennes ou même importées du Soudan et d’ailleurs ? faut-il transformer une vraie intox en information «vraie»? Et les autres, «consœur», les terroristes rouges, vous en parlez ? Vous dites «pour protéger le pays», de qui et de quoi ? Des actes terroristes ? Vous êtes sûre et certaine, madame la «consoeur» que seuls les «salafistes jihadistes» en ont le monopole ? Protégez plutôt le pays des sit-in, des grèves incessantes, du saccage, du feu, de la contrebande ! Ce sont les «salafistes jihadistes» qui propagent et perpétuent l’anarchie et le crime ? Ah, l’assassinat des policiers qui devient de plus en plus quotidien ne vous touche pas, ce sont aussi les «salafistes jihadistes», surement ! Alors, faites un vrai et réel effort pour effectivement «être aussi objective que possible».

C- L’ANALYSE ET LES DÉDUCTIONS D’AMEL BELHADJ ALI

Ce corps du sujet, suit le même chemin et emprunte les traces de la «consœur » intervieweuse. Franchement, je m’attendais à autre chose d’ Amel Belhadj Ali. Son texte est confus me rappelant étrangement les articles d’une «consœur » sans queue ni leu à tel point qu’on dirait que c’est cette «consœur » qui accouché de cet article. Dommage.

1)- «Au début ce fut … la mosquée». Grâce à cette interview, la journaliste «a pris conscience de la fragilité intellectuelle et de la misère culturelle d’une partie de notre jeunesse sacrifiée sciemment… ». Par qui ? Par «des prédateurs religieux au travers de chaînes satellitaires dédiées ou dans les mosquées». Une évidence mais, faut-il conclure que les «autres» chaînes satellitaires et nos établissements scolaires, surtout, n’ont pas sacrifié la majorité de notre jeunesse à cette misère culturelle, à l’acculturation même ?

En Tunisie, il y a un peu plus de 5000 mosquées. Les médias ne cessent de remâcher que 600 mosquées sont entre les mains des «salafistes», disons mille, deux milles mosquées, pourquoi taire une autre évidence : toutes nos universités, la plupart de nos lycées et collèges, tous les médias sont instrumentalisés par les communistes et les «laïcs». «Le mot “Ikra3a“ (إقرأ) dans la sourate (العلق) n’a rien à voir avec «l’initiation aux valeurs humaines de justice, de respect, de tolérance et de liberté de pensée », et d’ailleurs cet ordre est destiné uniquement au Prophète, et à lui seul, et le mot ne signifie pas «lis» ni «instruis-toi».

«Les mosquées, aux premiers temps de l’islam, temples du savoir, où l’on apprenait, dans des cercles consacrés, les sciences, les mathématiques, l’astronomie, le fikh (la science de la religion) et même la philosophie … ». Non, madame Amel, je m’excuse. «Aux premiers temps de l’islam», les mosquées étaient consacrées uniquement à la langue arabe, au coran, à ce qu’on appelle «hadith» au fikh et aux contes.

A la fin du 1er siècle de l’hégire, apparut le «kalaam» (la dialectique) qui donna les idéologies (العقائد). Jamais, il n’y eut dans les mosquées un enseignement, ou «des cercles consacrés», aux sciences «exactes» (médecine, pharmacologie, mathématiques, architecture, astronomie. La «philosophie» apparut après la traductions des manuscrits grecs, latins, perses et indiens, et elle fut bannie. Les musulmans sur toute la terre sont restés quatre siècles sans voir une école ni un médecin musulman ni un hôpital.

2)- «A la fin … sera le pouvoir». «Ceci est d’ailleurs conforté par les affirmations d’un certain Sylvain Besson dans un article paru en 2005 sur «Le développement d’un islamisme … produit d’une stratégie occulte et d’un plan délibéré de conquête du pouvoir… » ! A-t-on besoin de telles références quand tout le monde est convaincu que tout homme et toute femme qui se lancent dans la politique n’ont de but que le pouvoir ? Est-ce un crime que de vouloir « prendre le pouvoir » ? Que veulent l’Ugtt, le front populaire, le « masaar », le « joumhoury », les laïcs et autres lobby sfaxien et affairistes sinon «prendre le pouvoir» directement ou indirectement, de gré ou de force ? Serait-ce permis à tout le monde sauf, et uniquement sauf, aux « islamistes » ?

3)- «Faute de projeter, les jeunes dans le futur du pays, on les renvoie à l’époque du Djihad… » ! Et les milliers de tunisiens et tunisiennes morts dans la mer, perdus en Europe ou encore, aujourd’hui, s’immolant par le feu, qui les a envoyés à leur tragique sort ? Sincèrement, vous croyez que l’extrémisme de «droite» est plus destructeur que l’extrémisme de «gauche» ou de «centre» ? Vous ne voyez, donc, pas ce qui passe partout dans le monde et spécialement en Europe ? «Je vous promets qu’ils ne sont pas aussi dangereux que vous le pensez », a lâché amèrement le «salafiste jihadiste» interviewé. Je le crois, et croyez-le, et surtout ne le poussez pas à devenir «une bombe humaine» en lui faisant porter tous les maux de la Tunisie et de l’humanité et accentuant son isolation,son isolement et son mépris. Le discours arabophobe et islamophobe des européens et surtout celui des français est le meilleur moyen de la destruction de la Tunisie. Ne faisons pas l’amalgame entre la nébuleuse terroriste AlQaida et ses ramifications et des citoyens «musulmans» ordinaires partout dans le monde qui ont fait trop souffert de leurs Etats, «et puis ce n’est pas notre pays, nous ne nous y sommes jamais sentis chez nous et elle ne nous a jamais rien donné», saisissez le message, ne dénaturez pas.

Par Amad Salem

(En réaction à l’article Discussion avec un salafiste Djihadiste : «Notre guerre doit commencer en Tunisie, c’est notre destin…»)