Gayatri Chakravorty Spivak : je suis une critique littéraire pas une philosophe

La visite de la théoricienne et critique littéraire pour la première fois en Tunisie dans le cadre de sa participation à la 33ème édition de la foire internationale du livre de Tunis, constitue un événement culturel de taille surtout pour ceux qui sont intéressés de l’étude post-coloniale à laquelle elle appartient tout comme d’ailleurs Edward Saïd.

La rencontre débat avec Spivak a réuni un très grand nombre d’étudiants, de professeurs universitaires et d’académiciens en dépit de l’absence d’une traduction de la conférence de cette chercheuse aux origines indiennes qui enseigne déjà depuis plus de 51 ans à l’université américaine Columbia invitée d’honneur de la 33ème édition de la Foire.

Durant près d’une heure et demi, Gayatri Chakravorty Spivak a parlé de la théorie de la “déconstruction”, ou “déconstructionnisme” liée surtout et à la base au philosophe français Jacques Derrida (1930-2004) qui créa et développa ce courant de pensée (1930-2004), qui est une pratique d’analyse textuelle qui s’exerce sur de nombreux types d’écrits (philosophie, littérature, journaux), pour révéler les décalages et confusions de sens qu’ils font apparaître.

Dans son intervention, la conférencière a commencé par mettre l’accent sur l’importance de la lecture comme première étape pour pouvoir par la suite arriver à “bien déconstruire” selon ses dires. La lecture est à la base le premier outil pour comprendre le monde dans lequel nous vivons, a-t-elle précisé. Essayant d’être plus simpliste, elle a mis l’accent sur l’importance d’enseigner la littérature dans les universités faisant savoir qu’elle avait appelé les étudiants en Inde à porter un intérêt particulier dans leurs lectures à la littérature comparée.

A cette occasion elle a lu quelques extraits de Balzac sur l’écriture et les méthodes de déconstruction par le lecteur lui même précisant dans ce sens “la déconstruction qui est fondée sur deux notions, la destination et l’errance, c’est le fait de reconnaitre qu’on a un rôle efficient dans un monde qui aspire à l’universalité et ceci ne peut se faire qu’en pensant le passé et l’histoire comme devenir rationnel et intelligible, tel que le perçoit Marx en parlant de “la poésie du futur”.

Largement influencée par la pensée d’Edward Saïd, Michel Foucault et Jacques Derrida, elle refuse d’être confinée dans un seul titre, celui de l’un des fondateurs des études de l’école postcoloniale car ses centres d’intérêt sont plus larges, a-t-elle précisé.

Auteur de plusieurs publications comme “En d’autres mondes, en d’autres mots. Essais de politique culturelle”, ” Nationalisme et Imagination”, “Les subalternes peuvent-elles parler” l’invitée de la FILT 2017 souligne qu’elle est une critique littéraire pas une philosophe et se dit “marxiste, féministe, pro-déconstruction pratique”, l’une des ferventes militantes contre l’impact du colonialisme dans les anciennes colonies et l’une des grandes défenseures de la femme marginalisée dans les pays en développement.

La conférencière a parlé longuement de sa relation étroite avec l’Afrique du nord à travers l’oeuvre de l’écrivaine algérienne disparue Essia Djabbar, de même qu’avec la France, la Grande Bretagne, les Etats Unis et l’Inde respectivement à travers sa connaissance de Derrida, de l’histoire coloniale mais aussi du métier d’enseignant qu’elle exerce depuis 51 ans aux USA.

L’invitée de la foire a refusé toute interview ou déclaration à la presse avant et après la rencontre-débat. De sources bien informées, l’agence TAP a appris que la conférencière a, par contre, demandé de parler à certaines personnalités nationales.