Tunisie – Mellassine : M. Ben Dhia, pendant que vous vous «prélassez», nos jeunes meurent !

maher-ben-dhiaUn complexe sportif dont les travaux avaient démarré avant janvier 2011 et auquel on avait consacré un budget de 2,4 MDT en plein cœur de la Cité populaire Mellassine est en train de tomber en ruine devant l’indifférence totale des autorités de tutelle. En L’occurrence le ministère de la Jeunesse et des Sports.

En fait, le complexe est devenu l’endroit privilégié des toxicomanes qui viennent s’y faire piquer (voir le nombre de seringues dans le reportage photos). «Nous, nous sommes ‘’foutus’’, mais qu’on essaye au moins de sauver nos enfants qui ne trouvent même pas un terrain de sport convenable. «Tout ce que nous voulons, c’est que ce complexe que vous voyez là et qui tombe en ruine, alors qu’il en était à la finition, soit doté de douches pour qu’au moins nous puissions nous doucher à la fin des matchs», a déclaré un jeune de 14 ans, entouré de ses amis de la cité Mellassine.

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Mellassine n’est pas loin du Premier ministère, elle est toute proche de toutes les institutions étatiques et des hôpitaux. Pourtant c’est là-bas que sévit l’hépatite C et que toutes les drogues que l’on peut imaginer et que l’on ne peut même pas imaginer sont commercialisées et consommées. «Ici, toutes les drogues sont à la portée de tout le monde: subutex, cocaïne, héroïne, haschisch… Tout ce que vous pouvez invoquer se trouve dans notre cité. C’est pour cette raison que nous avons décidé de créer une association. Nous voulons nous prendre en charge mais il faut également que les autorités publiques assument leurs responsabilités», nous explique, Mehrez, chauffeur de taxi qui organise chaque année un tournoi de football sacré par un prix et où il met en compétition 24 jeunes équipes en provenance de toutes les cités populaires telles Ettadhamen, Essijoumi, El Hrayrira, Ennour et d’autres. Des cités délaissées et ignorées par tout le monde y compris les ministères des Affaires sociales, de la Jeunesse et Sport et de la Santé.

Pour Mehrez qui milite depuis des années pour sauver sa cité et ses enfants de la marginalisation: «Il n’est plus question que les politiciens entrent dans notre cité! Vous savez, madame, tous ceux que vous voyez gouverner aujourd’hui sont passés chez nous avant la campagne électorale, ils sont entrés chez nous, ont partagé avec nous le pain et le sel. Je parle de Rached El Ghannouchi, Slim Erriahi, Mohsen Hassan, et des représentants d’autres partis comme le Nidaa. Qu’ont-ils fait pour nous ensuite? Rien. Ils nous ont bernés et utilisés pour leur donner nos voix, près de 50.000 voix et après, ils nous ont complètement ignorés. Est-ce ainsi que l’on fait de la politique dans notre pays, en n’honorant pas les promesses données aux électeurs?».

Les Mellassinois se sentent aujourd’hui en tant que quantité négligeable, mis aux bancs de la société. Un fort taux de chômage associé à une criminalité galopante a engendré une oisiveté “structurelle“. «Les activités criminelles sont réparties par des “houems“ (ruelles), celle des pickpockets, celle des braqueurs, celle vendeurs de drogues etc. Si on vous prend votre téléphone, je pourrais vous indiquer la personne qui l’a pris et intercéder auprès de lui pour vous le rendre. Vous voyez dans quel climat nous évoluons. Et tout ce que nous demandons à l’Etat est qu’il achève les travaux du complexe sportif pour que nos enfants puissent au moins y exercer des activités constructives et éviter qu’il soit le lieu de prédilection de tous les toxicomanes de la région de Tunis».

Mais il n’y a pas que ce complexe qui tombe en ruine devant l’indifférence totale de Maher Ben Dhia, ministre de la Jeunesse et des Sports, un ministre somnolent dont les réalisations sont presque nulles et dans le meilleurs des cas méconnues par les Tunisiens lambda. Car dans presque toutes les régions de la Tunisie, il y a des complexes sportifs et des maisons de jeunesse et des sports qui sont devenus les refuges des criminels de tous acabits et des toxicomanes ou de personnes s’adonnant à des activités illicites! Si ce n’est les sportifs individuels qui rament pour se distinguer par leurs propres moyens et grâce aux encouragements fournis par certains sponsors, on n’entendrait plus parler de la Tunisie dans la carte mondiale des sports.

Ayant abandonné tout espoir dans la volonté de l’Etat de les secourir, les «Mellassinois» sont aujourd’hui en train de créer “l’Association citoyens sans frontières“. «Grâce à cette association, nous voulons susciter une dynamique sportive et culturelle dans notre cité, nous voulons que nos enfants évoluent dans un milieu propre et n’aient pas pour seuls exemples des jeunes victimes des drogues dures et douces. Nous voulons que nos jeunes aient de l’espoir bien qu’ignorés par les autorités publiques et nous avons réalisé qu’on n’est jamais mieux servis que par sois même. Nous assumerons et assurerons, nous n’abandonnerons pas mais je vous promets qu’aucun parti ne remettre jamais les pieds ici dans notre cité».

Un vœu pieux? Espérons que Mehrez et ses partenaires dans l’Association citoyens sans frontières pourraient œuvrer à changer le contexte socioéconomique Mellassinois.

En attendant, suite à des contacts pris avec la ministre de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées, Samira Maraï, celle-ci s’est engagée à financer les projets d’au moins 10 jeunes diplômées et de les accompagner. Néjib Darwiche, ministre de l’Environnement, a réagi en promettant de rénover et doter la décharge publique de Mellassine des moyens adéquats et d’y aménager des espaces verts.

Maher Ben Dhia, ministre de la Jeunesse et des Sports, n’a pas encore été contacté mais oserons-nous espérer le voir se réveiller de son profond, si profond sommeil !

Amel Belhadj Ali