Trois questions A Tahar Bekri arrose les lecteurs par « Mûrier triste dans le printemps arabe à Paris »

« Mûrier triste dans le printemps arabe » est l’intitulé du nouveau recueil du poète tunisien Tahar Bekri, qui vient d’être publié à la fin du mois d’avril par Al Manar à Paris.

Poète et universitaire tunisien installé en France depuis quarante ans, Tahar Bekri par la plume, les mots et la poésie pour la liberté et contre « l’obscurité » .

Ce poète signe dans « Mûrier triste dans le monde arabe » un « non à l’ombre ». Poète dans la Cité, il ne dispose que de « sa plume pour déjouer l’obscurité menaçante, s’opposer, élever sa voix contre la volonté de mort, la confiscation du printemps »,note Bekri dans sa présentation de ce nouveau recueil composé de 26 poèmes illustrés de peintures de Jean-Michel Marchetti, peintre et photographe.

« De liberté, ces poèmes disent avec gravité et mélancolie l’attachement à la vie humaine », sont parmi les propos de Bekri dont les poèmes n’ont pas de frontières. « De Paris à Tunis, de Bamako, à Palmyre, de Dakar à Lampedusa, la traversée de la Nuit est habitée par le même désir de lumières fraternelles », écrit-il. Dans une interview accordée à l’Agence TAP, il parle davantage de « Mûrier triste dans le printemps arabe ».

Question: Tout d’abord pourquoi le choix du titre du Mûrier

Réponse: Le Mûrier est un poème central dans le recueil. Cet arbre qu’on retrouve dans tout l’Orient, de la Méditerranée jusqu’à la Chine en passant par l’Afghanistan s’est imposé pour lui comme une métaphore du Printemps arabe.

Ce qui aurait pu être suave et doux, (la jouissance de la liberté), et dont les feuilles nourrissant les vers à soie est devenu un chaos, une destruction insupportable du Monde arabe, exportateur de terreur et de la barbarie « at-tawahhuch », comme le développent les théoriciens, l’islamisme radical et de Daech.

Les vers, au lieu de nous donner un beau tissu printanier, rongent la réalité arabo-musulmane, menacent le monde et pourrissent le fruit des luttes et des combats des peuples. Comment un poète tunisien ne peut-il être triste face au cauchemar, à la confiscation du printemps.

Question : Vous parcourez dans votre recueil le monde en rendant hommage à la résistance des victimes de l’obscurantisme et à ceux qui aiment la vie et luttent pour la liberté. Etes-vous dans l’universalisme

Réponse : Ma réalité de poète tunisien et arabe ne m’empêche pas d’appartenir à l’Humanité. Le poète que je suis est du côté de la vie, contre la volonté de mort, d’où qu’elle vienne, où qu’elle soit.

Le poème est porté par une conscience morale, toujours la même, la défense de la dignité de l’être humain. J’ai eu la chance de beaucoup voyager et partout, l’Homme lutte contre ce qui l’humilie, le prive de sa liberté. J’appartiens au monde qui m’habite. Je suis attaché aux Lumières fraternelles dans un monde obscur.

Mes préoccupations sont sans frontières. De Tunis à Paris, de Bamako à Lampedusa, de la Havane à Dakar, de Carthage à Palmyre, la réalité du monde est la même, la gravité est la même, la destinée humaine est la même.

Question : « Mûrier triste dans le printemps arabe » est- il un ouvrage engagé qui dénonce la dictature dans toutes ses formes, l’indifférence et le silence de l’Europe face au chaos dans la région arabe et le sort des migrants, des individus ?

Réponse : Ce livre s’élève avec force contre toutes les formes de dictature, d’oppression, de terreur, de violence, de déshumanisation. La folie et la fureur imposent la loi de la peur et de l’insécurité, je me révolte contre cela en Homme de Paix.

La responsabilité est commune, celle des fabricants et vendeurs d’armes comme celle de leurs utilisateurs. Je ne peux être indifférent à tant de détresse humaine. La cécité serait notre silence.

La complicité serait de justifier l’aveuglement, y compris dans l’utilisation du religieux à des fins politiques. Notre résistance à l’opprobre est un devoir. Notre amour de l’humanité est une exigence. L’Europe faut-il le rappeler, selon le mythe grec, est fille d’Agénor, roi de Phénicie (Liban). Elle fut enlevée par Zeus qui avait pris la forme d’un taureau…

Le lien est donc plus qu’important entre les différentes régions. Pas de solution possible sans le dialogue et l’acception de l’autre dans l’entraide et la solidarité. La guerre, la force et la puissance n’ont jamais résolu la paix, elles ont créé la destruction de la civilisation humaine. L’Histoire est là pour en témoigner.