Fayçal Al Jadlaoui, député qui a oublié que sur un plateau télévisé, il représente toujours le peuple et pas une profession, même s’il en fait partie, et une avocate vindicative et haineuse qui a oublié que la Tunisie est au-dessus de tous et qu’elle n’avait aucunement le droit de s’attaquer au corps de la magistrature et par la même à l’État, avec autant de férocité en l’absence des concernés. Tel est le triste spectacle offert par les invités du plateau de Nessma TV jeudi 27 février.
Un spectacle joué par des acteurs qui se sont trompés de scène car il aurait fallu voir plus grand que l’espace réduit d’un studio de télévision et s’élever au dessus des appartenances idéologiques et corporatistes. Il aurait fallu prévoir ce que des déclarations aussi venimeuses pouvaient coûter au pays. Malheureusement, les deux intervenants n’en avaient cure, ils n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu. Et en la matière, ils en ont craché beaucoup, beaucoup plus que ne peut supporter un pays mis à rude épreuve par trop de divisions, trop de trahisons et trop de jeux d’intérêts salement égoïstes et vénaux.
La crise déclenchée vendredi 20 au Palais de la Justice, suite au mandat de dépôt déposé par un juge d’instruction à l’encontre d’une avocate, aurait pu être pourtant vite désamorcée si les différents protagonistes étaient un tant soit peu conscients de leurs responsabilités envers le pays!
Désamorcée tout d’abord par le ministre de la Justice lui-même qui aurait dû réunir sur le tôt les deux parties du litige et ramasser l’affaire en appelant les uns et les autres au calme et à la raison et en leur rappelant leurs devoirs envers le pays.
Désamorcée par le Conseil de l’ordre des avocats qui aurait dû rappeler à ses adhérents que la loi doit être respectée et que même s’il y a eu dépassement, c’est par le recours à la loi et non par la force des bras que l’on peut tout résoudre.
Et désamorcée par les médias qui auraient pu prévoir les tensions et les batailles que pouvaient susciter les déclarations et contre-déclarations des uns et des autres dans un climat hérissé.
Les avocats doivent-ils être épargnés?
Personne ne devrait être au-dessus de la loi, qu’ils soient avocats, juges ou magistrats. Même si c’est ce que semblent penser certains parmi les maîtres du barreau. Ceux qui estiment qu’en cas d’acte délictueux de leur part, il revient au Conseil de l’Ordre de prendre à leur encontre les mesures disciplinaires qui s’imposent. Traduction sur le terrain, si un avocat commet un délit, vole ou assassine, la justice ne doit pas assumer ses responsabilités et exercer son pouvoir, c’est son corps de métier qui doit réagir… Nous sommes en plein dans la parodie : «Les avocats du diable… »
Sans commentaire !
Si nous généralisons cet exemple à tous les autres corps de métier, nous n’aurons plus besoin de tribunaux ou de juges. Les syndicats jugeront leurs propres contrevenants, les médias les leurs, les médecins pareil, les fonctionnaires les leurs et ainsi de suite…
C’est le cas dans les pays où l’État disparaît. Le corporatisme prend le dessus et comme on le dit chez nous «Dhra3ek y Allef».
800 plaintes seraient déposées dans les tribunaux du pays impliquant des avocats dans des actes illicites. Des magistrats corrompus ? Il y en a bien entendu comme dans tous les autres métiers. La nature humaine ne change pas parce qu’on porte une robe d’avocat ou parce que nous faisons partie de la classe des cols blancs ou celle des cols . Personne n’est immunisé contre les péchés, les délits et les erreurs, même pas les prophètes.
Alors pourquoi une simple affaire conséquence d’une plainte déposée par une citoyenne à l’encontre d’une avocate se transforme tout d’un coup en une émeute?
« Il y a beaucoup de manipulation, certains partis politiques ont intérêt à susciter une scission dans les rangs des avocats et les magistrats», indiquent des avocats. «Nous sommes dépassés par nos bases», déclarent nombre des élus au comité national des avocats. Pareil pour les magistrats.
Si les élus ne peuvent pas contenir leurs bases, pourquoi y a-t-il élections?
Le plus grave est que ce genre d’incident permet à des corrompus opérant aussi bien dans le barreau ou la magistrature à échapper à la loi par la pression. Car dans un Etat de droit, la loi ne doit pas être sélective, elle doit s’appliquer aussi bien sur les petits et les grands que sur les faibles et les forts.
Dans le cas d’espèce, le malheur est qu’une affaire qui n’aurait pas dû sortir de l’enceinte du Palais de justice s’est tout d’un coup transformée en une crise très grave entre deux corps de métiers qui doivent coexister ensemble dans le respect des uns des autres.
Les médias principalement audiovisuels ont la responsabilité, dans un pays aussi vulnérable que la Tunisie aujourd’hui, d’être plus vigilants quand au choix des informations à diffuser et des interlocuteurs qui s’adressent au large public.
Dans un pays en péril la suprématie de la loi doit être consacrée. Nul ne doit y échapper dès le moment où cela menace la paix publique et les intérêts suprêmes de l’Etat. Ni les syndicalistes qui déclenchent des grèves sauvages, ni les journalistes qui donnent la parole aux terroristes, ni les avocats ou les magistrats qui ne respectent la loi et encore moins les hauts commis de l’Etat qui la contournent ou prêtent allégeance à une idéologie et à leurs intérêt plutôt qu’à leur pays.
En Tunisie, l’État est aujourd’hui le problème parce qu’il n’est plus. Platon disait déjà au quatrième siècle avant Jésus Christ : «Qu’est-ce donc que ta sagesse, si tu ne sais pas que la patrie est plus précieuse, plus respectable, plus sacrée qu’une mère, qu’un père et que tous les ancêtres […]; qu’il faut avoir pour elle, quand elle est en colère, plus de vénération, de soumission et d’égards que pour un père, et, dans ce cas, ou la ramener par la persuasion ou faire ce qu’elle ordonne et souffrir en silence ce qu’elle vous ordonne de souffrir».
Y-a-t-il dans notre pays quelqu’un qui aime assez sa patrie pour s’oublier lui-même?