Opinion : Qui a peur du “Livre Noir”?

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Sur un plateau tv de chez nous : une personnalité ancien ministre, s v p, bras tendu, doigt accusateur, gorge gorgée de sang rose et nerfs verdâtres saillants, joues couleur de tomate hors saison OGM venue d’israel, nez en piment OGM lui aussi venu d’israel, long, fin, rêche, tordu au bout, yeux en deux œufs mal cuits. Il va éclater, ce mec, me dis-je. En effet, le mec éclata : «le kilo de piments à trois dinars et le kilo de tomates à presque deux dinars, comment le pauvre citoyen peut-il vivre ?».

Comme aux derniers temps de l’Empire de Byzance, tout est devenu, chez nous, sujet de «débats», de «plaintes», de démagogie, de «peur». Querelles byzantines, ou palabres arabes, ce ne sont que arguties et quand on discute de piments et de tomates hors saison, il est plus byzantin et encore plus tunisien de discuter d’un livre tout droit sorti du sinistre palais de Carthage.

I)- «LIVRE NOIR»? PLUTÔT GRIS

Dans sa forme pdf, c’est un volume de 354 pages. Après un préambule qui n’explique rien mais bien flagorneur, on trouve 13 «dossiers». Le livre est écrit en arabe. Son titre est (منظومة الدعاية تحت حكم ابن علي). «Le livre noir » n’est donc qu’un sous-titre explicatif ou le titre de ce premier volume d’une trilogie à venir. Officiellement, il est faux d’imputer ce livre au président Marzouki, même s’il en est l’instigateur. Le livre est édité par (دائرة الإعلام والتواصل في رئاسة الجمهوريّة).

Axé principalement sur l’ATACE, ce livre prétend «dévoiler» le système et la stratégie propagandistes pendant le règne de B Ali. Les auteurs ont préféré l’effet visuel puisque ce manuel est en fait une longue liste de noms (journalistes, universitaires, politiciens, hommes d’affaires… C’est justement là la grisaille du livre : aucun critère n’est mentionné pour le choix de ces noms lancés avant d’autres. Aucune méthodologie, aucune logique dans ce manuel d’écoliers du primaire. Alors, qui a donc peur de ce livre gris et pourquoi.

A)- La présidence de la république a-t-elle le droit de dévoiler des documents d’archives ?

* «En plus, quand une partie qui a accès aux archives de la présidence -ce qui est en soi un acte répréhensible, ces archives appartenant au peuple tunisien et non au président de la République- s’arroge un droit de tri, d’inventaire et de choix, on est dans un déni de justice clair» (Ali Laidi). Non, M. Laidi, les archives n’appartiennent pas au peuple mais à l’Etat, c’est ainsi dans toutes les législations du monde. Vous le savez bien, dans chaque pays des lois régissent l’utilisation des archives. La présidence de la république a-t-elle le droit de dévoiler des documents d’archives ? Oui, si ces archives ne sont pas classées «secrets d’Etat» ou si elles ne sont pas soumises à une durée déterminée pour devenir publiques. A priori, les exemples cités dans le livres noir n’entrent pas dans ces catégories.

* «Les dossiers de l’ancien régime doivent être ouverts, instruits et jugés dans un cadre consensuel de justice transitionnelle selon la loi et en dehors de toute manipulation partisane ou éthique» (Ali Laidi). Faudra savoir ce qu’on veut, M. Laidi, on ne peut avoir le beurre et son prix sans traire la vache au moins. Le livre ouvre en effets certains «dossiers de l’ancien régime». Il répond ainsi à votre vœu et assouvit la soif de ceux qui adorent les tabloïdes. Que signifie «un cadre consensuel de justice transitionnelle» ? Quelle différence entre cette «justice transitionnelle» et la Justice tout court ? N’a-t-on pas crié au crime de Justice quand le ministre de votre « justice transitionnelle» a commencé à instruire des «dossiers de l’ancien régime» ? Ne l’a-t-on pas accusé de tous les maux de la justice ? Alors, M. Laidi ?

* «Il ne faut pas faire croire que les données du livre sont fausses. Elles ne le sont pas, au contraire elles sont fragmentaires et pas complètes, et c’est ce qui cloche dans le Livre noir surtout que la manière dont il a été divulgué a encore démontré que les tenants de cette affaire cherchent un but politique en se tournant vers Al Moutawesset TV connue pour ses accointances islamistes!?» (Ali Laidi). Qui vous dit que «les données du livre sont fragmentaires et pas complètes». Vous avez accès à ces archives ? Non, bien sûr, mais quand on est «laïc opposant au gouvernement», on ne s’arrête devant rien. C’est ce «laïcisme» phobique qui explique que vous ne pouviez laisser passer aucune occasion pour incriminer à tort et à travers le gouvernement et surtout les «islamistes». A qui voulez-vous que «les tenants de cette affaire se tournent» ? Ce ne sont pas les chaînes sionistes «tunisiennes» (w 1&2, nessma, hannibal, attounissia, aljanoubya, alhiwaar…) qui accepteraient le contenu du «livre noir». «Al Moutawesset TV connue pour ses accointances islamistes! » (Ali Laidi). Et alors ? Que débitent les tv «connues pour leurs accointances laïcardes pseudo-bourguibistes ?

* «les tenants de cette affaire cherchent un but politique en se tournant vers Al Moutawesset TV» (Ali Laidi). Que cherchez-vous, M. Laidi, en publiant cet article sinon un «but politique», de mauvaise politique, car ce n’est qu’une énième contribution à la guerre idéologique plus ravageuse et dévastatrice qu’en 2011-2012 ? Tous les nullards de Tunisie (laïcards, faux islamistes, terroristes rouges, bleus, blancs et noirs connus et inconnus, faux «bourguibistes», opportunistes et mafieux) ne font plus que de la «politique». Normal, donc que le chef de l’Etat soit à leur tête.

* «En résumé le président Marzouki n’avait vraiment pas besoin de cette affaire de Livre noir, le pays n’avait pas besoin de plus de tensions par les temps très durs que nous vivons et la scène politique n’avait absolument pas besoin de cette énième épisode!» (Ali Laidi). Là, c’est le comble de la démagogie ! Parce que, selon vous, ce livre va créer plus de tensions sociales, économiques et infrastrucurelles que les grèves annoncées par l’ug de H Abbassi et le “terrorisme” des gueulards de la bande à Hamma ?

B)- QUI A DONC PEUR DU «LIVRE NOIR» ?

1)- Ceux et celles qui ont picoré dans les assiettes de Ben Ali, sa femme, son parti, sa famille et ses conseillers. Ceux-là se sont remplis les poches et ont ouvert des comptes bancaires à l’intérieur et à l’étranger. C’est l’argent du peuple et non de l’Etat qu’ils ont délapidé sans raison aucune à part de se faire vendre corps sans âme ni esprit.

2)- Ceux et celles qui ne dorment plus de peur de voir leur bassesse, leur insignifiance et surtout leur hypocrisie étalée sur les médias et les réseaux sociaux.

3)- Ceux et celles croyant être intouchables ou à l’abri découvrent qu’ils n’ont pas de parasol et qu’ils sont justiciables comme le commun des mortels.

II)- POUR CONCLURE

1)- Le Service d’Information de la présidence de la République a bien fait de diffuser ces «données du livre qui sont fragmentaires et pas complètes» mais qui «ne sont pas fausses». Ainsi le peuple sait à qui il a affaire dans ce troupeau hétéroclite d’opportunistes corrompus parmi les politicards, juristes, juges, avocats, médecins, syndicalistes, journalistes, députés, anciens et nouveaux ministres, conseillers, policiers et militaires. C’est ce qui fait extrêmement peur à cette horde de charognards.

2)- La corruption étant la même ainsi que le vol et le mensonge, si ce service ne voit ces maux que pendant les dernières années de Ben Ali, c’est qu’au fonds, il n’y a aucune différence entre Marzouki et ses deux prédécesseurs de présidents et entre ses services et les leurs. Nous voulons savoir, par exemple, comment Marzouki a-t-il pu obtenir un lot dans « la Baie des Singes » aux environs de Sousse, alors que toute la zone est classée militaire. Et son certificat médical ? et sa vie familiale en tant que Président?

3)- Ben Ali, sa seconde femme, leurs familles, le RCD, les ministres et les conseillers n’ont rien fait de plus que ce que Bourguiba, sa seconde épouse, leurs familles, le PSD, les ministres et les conseillers n’ont déjà fait. Si Bourguiba était au palais ce 14 janvier 2011, le peuple l’aurait lynché haut et court. Ouvrez les dossiers de Bourguiba, de son fils, de Wassila, de Saida Sassi et vous verrez. Demandez à Abdallah Farhat où sont les terrains des zones militaires officiellement enregistrées depuis le XIXème s. ? Où sont les terres domaniales et les hbous ? Voyez les feuilles de Bechir Zarg elayoun, de Filali, de Dris Guiga, d’Essesbsi, de H Nouira, de Mzali, de Med Masmoudi, de Sayah et même d’Ahmad Ben salah.

4)- Quand on ouvre les portes de Géhenne, on les ouvre toutes et sur soi d’abord ou on les bloque toutes. Sachant que l’histoire de tous les pays et peuples est ainsi faite de corruption, de malversations et de gaspillage des deniers publics, on ne peut arrêter ce phénomène. Sachant que la « justice transitionnelle » n’est qu’injustice pire que les erreurs judiciaires et que tous les pays qui s’y sont donnés se sont retrouvés dans l’instabilité, le chaos et même la guerre civile, je pense qu’il faut informer OBJECTIVEMENT et OUBLIER à jamais les règlement de comptes car ce n’est qu’un cercle vicieux d’enfer.

Par Amad SALEM en réaction à l’article: Tunisie – Politique – Médias: Le Livre noir, parole de qui? Pour qui? Et pourquoi?