Tunisie – SNJT : Le «livre noir» suscite des craintes

Le Syndicat national des journalistes Tunisiens (SNJT) a exprimé samedi sa « position de principe » qui demande d’associer les structures professionnelles aux efforts visant à dévoiler les archives de la dictature et à dénoncer le système de corruption et les corrompus dans le secteur des médias.

Le SNJT réagissait dans une déclaration rendue publique ce soir à la parution du « livre noir » édité par la présidence de la République sous le titre « Le système de propagande sous Ben Ali ».

Le livre, rapporte le syndicat, « comporte des données sur le système de corruption et de censure ainsi que sur les noms des personnes impliquées dans la politique de bâillonnement de la presse et des journalistes ».

Le SNJT appelle dans sa déclaration à s’appuyer dans cet effort sur des compétences tunisiennes indépendantes spécialisées dans les archives sous la tutelle de la justice et sur la base de documents, preuves et données.

Les personnes accusées ont le droit, selon le SNJT, de se défendre conformément aux normes internationales en vigueur dans le domaine de la justice transitionnelle et dans les démocraties. Le SNJT exprime son rejet total de l’instrumentalisation partisane et politique des archives et la crainte que les données contenues dans le livre ne soient utilisées dans le cadre de règlements de comptes.

« Demander des comptes, dire la vérité au peuple et dévoiler le système ”novembriste”, est une exigence nationale pour la réforme et l’édification d’une démocratie. Elle n’est nullement une affaire personnelle ou propre à un parti dont se prévaut l’institution de la présidence de la République ou le parti du président. Ce qui est de nature à transformer la reddition de comptes en un règlement de comptes ».

Le syndicat a déjà demandé l’ouverture des archives et l’accès aux listes des journalistes impliqués. Il a adressé plusieurs correspondances à la présidence de la République et à la présidence du gouvernement ainsi qu’au ministère de l’Intérieur et à la commission d’établissement des faits, précise le SNJT, ajoutant que toutes ses requêtes sont restées sans réponse.

Le SNJT met en garde, dans sa déclaration, contre la circulation de listes noires fictives par des parties suspectes à dessein de semer la zizanie dans les rangs des journalistes et de briser leur unité. Le syndicat déplore l’accusation à tort de militants du secteur, en les citant dans la même liste que les symboles de l’ancien régime.

Depuis l’annonce de sa parution, le livre ne cesse de faire couler de l’encre et de susciter une vive polémique autour du timing de sa parution, son bien-fondé ainsi que la force probante des informations qui y sont relayées. « En l’absence de communication officielle autour dudit livre, on ignore l’usage commercial qui lui sera réservé ? sera-t-il vendu ou distribué gracieusement »? s’interroge « Business news » dans son édition de samedi.

Et d’ajouter « servira-t-il d’appui de foi à des procédures judiciaires contre les personnes impliquées? ». De son côté, le journal électronique « Kapitalis » a titré « Moncef Marzouki règle ses comptes avec les journalistes insoumis ».

Réagissant à l’annonce de la parution du livre, la journaliste et militante Néziha Rejiba (Om Zied) a écrit sur sa page dans les réseaux sociaux « un bonjour blanc en ce temps de livre noir ». Elle met en doute la véracité des informations rapportées dans le livre, dénonçant les tentatives visant à « éteindre les étincelles de la liberté et d’asservir de nouveau le secteur de la presse ».