Bien installé dans son fauteuil usé, l’octogénaire Mohamed Aissaoui fixait le téléviseur l’air distrait quand les représentants du ministère des affaires de la femme et de la famille et des affaires sociales sont venus le voir. Ils effectuaient une visite de suivi des personnes âgées placées chez des familles d’accueil.
Le vieux passe le plus clair de son temps à regarder la télévision où à apprécier les quelques moments qu’il partagent avec les membres de sa nouvelle famille.
Le regard confus où tout peut se lire, tantôt une profonde amertume reflétant la peur du rejet, de l’abandon et de la solitude tantôt une expression de plénitude, de confiance et de reconnaissance, Mohamed Aissaoui a, longuement parlé aux experts de sa nouvelle vie. Il se rappelle plus de la date de son arrivée chez la famille Jelassi à Sidi Hassine. Pourtant les souvenirs de ses longues années de vagabondage restent bien gravées dans sa faible mémoire.
« Nous avons pris l’habitude de vivre ensemble, ils ne peuvent plus se séparer de moi » a-t-il dit d’un air enfantin.
Naima se remémore le jour où elle l’a croisé. En plus de la compassion qu’elle avait ressentie ce jour là envers lui, cette mère de famille a vu en lui le père qu’elle avait perdu toute jeune. Malgré les quatre enfants à charge et des conditions matérielles difficile, Naima était bien décidée de le repêcher. Manoubia Béjaoui a 70 ans. Elle vit chez une famille d’accueil depuis plus de vingt ans après qu’elle ait perdu tragiquement les siens. C’est dans sa propre chambre qu’elle a reçu ses hôtes. Les murs revêtus de photos où elle posait béatement avec les membres de sa nouvelle famille, la famille de Si Ali Toumi qui lui aussi a perdu sa mère très tôt.
L’expérience du placement familial des personnes âgées n’a pas bénéficié de l’écho souhaité auprès des familles tunisiennes. Depuis sa création en 1996 le mécanisme a profité à 97 personnes, a indiqué une responsable au ministère des affaires de la femme et de la famille Imen Becheikh qui participait à cette visite sur le terrain ciblant des familles d’accueil bénévoles dont l’expérience avec le placement date de bien avant la création de ce mécanisme.
Le programme du placement familial posent des conditions aussi bien au bénéficiaire qu’à la famille d’accueil. La personne âgée qui désire se faire adopter ne doit souffrir d’aucune maladie contagieuse ou psychiatrique de nature à menacer sa sécurité ou celle de la famille d’accueil.
Celle ci doit, à son tour répondre à certains exigences dont le consentement des deux conjoints, un logement décent, un revenu mensuel stable et un climat familial sain. Une subvention portée aujourd’hui à 150 dinars est versée chaque mois à la famille d’accueil.
Les personnes âgées placées chez des familles alternatives sont régulièrement suivies par des sociologues et des représentants des ministères des affaires de la femme et de la famille et des affaires sociales pour s’enquérir de leurs conditions de séjour. Ce travail est également assuré par les équipes itinérantes d’associations régionales et locales chargées par les personnes âgées.