Tunisie – Politique : Pour une stratégie cohérente de lutte contre la violence et le terrorisme

tunisie-violences-silianaLes participants qui ont pris la parole au deuxième et dernier jour de la Conférence nationale contre la violence et le terrorisme, tenue au siège de l’UTICA, ont plaidé pour une stratégie cohérente en matière de lutte contre ce phénomène et pour la conclusion de compromis les plus étendus possibles, de manière à en finir au plus vite avec l’étape de transition et dans des conditions optimales.

Beaucoup d’entre eux ont préconisé de faire du 6 février de chaque année (date de l’assassinat de Chokri Belaïd) une Journée nationale contre la violence et le terrorisme.

Pour la présidente de l’UTICA, Wided Bouchamaoui, les échéances nationales à venir, principalement les élections générales et l’adoption de la Constitution, devraient réduire la tension dans le pays et mettre fin à l’anarchie qui y règne.

Les partis et les associations auront un rôle important à jouer pour dépassionner le débat et dépasser les clivages, a-t-elle dit, soulignant l’importance qu’il y a de faire barrage à toutes les formes de violence et de terrorisme.

Si on laisse une telle tendance persister, c’est toute l’économie nationale qui pâtira durablement, sans compter le risque de voir l’image de la Tunisie à l’étranger se détériorer davantage à l’étranger, a encore déclaré Bouchamaoui.

Elle a en outre mis en garde contre l’étendue grandissante du fléau de la contrebande qui, selon elle, conduit logiquement au trafic d’armes et de stupéfiants, appelant à tout faire pour enrayer ce fléau.

Après avoir estimé que l’économie nationale ne retrouvera son rythme normal qu’une fois la stabilité et la sécurité rétablies dans le pays, elle a expliqué l’attitude de nombre d’investisseurs étrangers qui ont quitté la Tunisie pour d’autres destinations voisines non seulement à cause de la mauvaise situation économique mais aussi pour certains comportements illicites préjudiciables au fonctionnement des entreprises, au mépris du droit au travail et du droit de grève réglementé.

Intervenant lui aussi dans le débat, le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar, a appelé à calmer les tensions sociales en prélude aux prochaines élections.

« Ce qui importe maintenant est de hâter les échéances de l’étapes de transition » au moyen d’un « plan d’assainissement du climat politique et social et pour assurer la sécurité dans le pays », a-t-il déclaré.

Après avoir regretté les incidents survenus la veille dans l’enceinte même de la conférence et qu’il a qualifiés de « graves et attentatoires à l’éthique politique et à l’amour propre des gens », il a exhorté les parties ayant décidé de se retirer de la conférence d’y revenir pour la suite des travaux. « Vaincre le terrorisme et la violence ce n’est pas seulement au Mont Chaambi qu’on doit le faire mais en faisant en sorte d’en circonscrire les causes et en oeuvrant en faveur de l’égalité, de la vraie ouverture politique, des droits de l’Homme et des libertés ».

Il s’agit également, a-t-il déclaré, de réhabiliter la pensée islamique éclairée, en confortant les liens d’appartenance à la patrie, en diffusant la culture du devoir et de la responsabilité et en reconsidérant le schéma de développement de manière à assurer une répartition équitable de la richesse dans toutes régions. Intervenant au nom du président de la République provisoire, son conseiller Khaled Ben Mbarek a souligné l’impératif de combattre et d’enrayer le phénomène de la violence par « la conjonction des efforts de toutes les parties ».

Tout en se réjouissant de l’initiative d’organiser cette conférence, il a fait part de la réprobation du président de la République pour « les querelles survenues à des assises censées donner lieu à l’adoption d’un pacte contre la violence ».

Le représentant de la Présidence de la République a dû prononcer son allocution dans une salle survoltée, certains participants reprochant bruyamment au parti du président, le CpR, d’user de surenchères à leur détriment.

Ce fut ensuite au tour du ministre des Droits de l’Homme et de la justice transitionnelle de prononcer une allocution au nom du chef du gouvernement provisoire Ali Larayedh, dans laquelle il a fait part de « la détermination du gouvernement à consacrer la souveraineté de la loi, à combattre toutes les manifestations de violence et de terrorisme (…) et à mettre le pays à l’abri de tous les périls ».

Pour Samir Dilou, le pilotage l’étape à venir « doit s’attacher à consacrer la démocratie et à promouvoir les valeurs patriotiques de manière à préserver la Tunisie de la violence et du terrorisme, en acceptant l’autre et en privilégiant le dialogue en tant moyen de règlement pacifique des litiges, outre la nécessité de jeter les jalons de la culture du vivre ensemble et du respect de l’opinion s’autrui ».

Il a, en outre, estimé “vital” de parvenir à des compromis concernant la Constitution afin de « favoriser l’avènement de l’Etat civil qui, seul, est à même d’éviter les querelles de référentiels et d’idéologies », un des « facteurs probables de la violence ».

Dans son intervention, le Secrétaire général de l’UGTT, Houcine Abbassi, a mis en évidence l’importance qu’il y a d’unir les efforts contre la violence et le terrorisme sous toutes leurs manifestations d’autant que, a-t-il dit, « ces deux fléaux représentent désormais une menace pour tous les acquis accumulés par la société tunisienne ».

Il est temps de « substituer à la logique de la force la force de la logique et de l’argumentation », a-t-il souligné, appelant à « jeter les fondements d’une étape en rupture avec l’incertitude et les hésitations en matière de traitement du fléau de la violence; une étape qui soit fondatrice des attributs civil et démocratique de l’Etat et à même d’éviter de faire la distinction entre les Tunisiens, entre islamistes et laïques, entre musulmans et non musulmans ».

Il a, dans ce contexte, appelé à « rompre avec la propension qu’ont certains à justifier la violence et à lui trouver des prétextes ». Pour autant, Abbassi a affirmé que « la lutte contre le terrorisme et la violence ne doit pas se faire au détriment des droits et libertés, comme le droit de manifester, le droit de grève et celui de protester pacifiquement », exprimant le besoin impérieux de mettre en place « des mécanismes pratiques qui soient contraignants pour tous pour la concrétisation de cet objectif ».

Il a entre demandé que soient « dévoilés les crimes d’assassinat politique et les agressions récurrentes contre les locaux de l’UGTT et ceux des partis ».

De son côté, l’ancien Bâtonnier et président en exercice de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, Abdessattar Ben Moussa, a plaidé pour d’indispensables compromis entre toutes les parties prenantes au sujet des principales questions « susceptibles de retarder le processus de transition », appelant à faire prévaloir « la voix de la sagesse » et à mettre en pratique le Pacte national contre la violence et le terrorisme, « de manière à épargner au pays les affres d’une guerre civile », selon lui.

Dans son intervention, le Bâtonnier de l’Ordre national des avocats, Chawki Tabib, a appelé ceux qu’il qualifie de « semeurs de discorde et d’incitateurs à la violence et au terrorisme » à relire l’Histoire de la Tunisie qui a, de tout temps, rejeté la violence et la discorde.

Pour sa part, le président de l’Institut arabe des droits de l’Homme (IADH), Abdelbasset Ben Hassan, a souligné que l’Histoire de la Tunisie, riche en hauts faits réformateurs, a donné naissance à plusieurs mouvements de lutte qui ont lutté, jadis, contre le colonialisme, et qui peuvent constituer, aujourd’hui, une plate-forme idoine pour la création d’un « dispositif politique moral », fondé sur le respect des droits humains et la démocratie.