Tunisie : Des sciences fondamentales à l’exorcisme

L’innovation n’a pas de limites dans le pays de l’après-14 janvier, ainsi que la liberté d’entreprendre… Et les écoles d’ingénieurs, créées depuis l’indépendance pour doter le pays d’élites et de constructeurs, n’arrêtent pas de nous surprendre à force de produire des extrémistes religieux et des cadres dogmatiques et exaltés. C’est à se demander s’il n’est pas grand temps de remettre en cause les cursus des écoles d’ingénieurs et faire un diagnostic des raisons derrière la naissance de générations d’ingénieurs orientés vers le fanatisme religieux, ou des penchants idéologiques aussi éloignés des esprits cartésiens et scientifiques que le sont ciel et terre.

Pourquoi est-ce que partout dans le monde, les ingénieurs sont derrière toutes les innovations technologiques, la conquête de l’espace, le développement de la robotique et l’expansion des TIC, alors que chez nous, ce sont, pour certains, des fabricants de bombes artisanales et de fomenteurs de complots? Nous pouvons leur reconnaître le mérite de la construction de la mosquée de l’ENIT dans les années 80 qui représente en elle-même une belle œuvre architecturale…

Dernière trouvaille d’un ingénieur, dont le père est l’un des esprits les plus brillants du barreau tunisien et enseignant en droit pénal à la Faculté de droit, la création d’une entreprise patentée sise à La Soukra tout près de la mosquée Al Raoudha et spécialisée dans la Rokya: traitement de la sorcellerie, djinns et mauvais œil par le Coran et la médecine prophétique. Ce projet illustre également la liberté d’entreprendre en Tunisie après le 14 janvier. L’ancien chef d’Etat major n’avait-il pas décrété sur la télévision nationale que la Tunisie «est skhouna» (chaude) et donc protégée par les saints et les marabouts?

Il est par conséquent plus que normal qu’un ingénieur se spécialise dans la «Rokya» et assure la promotion de son «entreprise» en affichant sur sa voiture tous les services qu’il offre. Mieux encore, son partenaire est un ressortissant malien pour lequel il a demandé un certificat de résidence afin de lui permettre d’exercer ses hautes voltiges en sorcellerie en toute légalité.

Ainsi tous ceux qui craignent la séparation de leur couple, qui souffrent d’apathie, dont les promotions au travail sont bloquées, qui trouvent des difficultés dans leurs études, qui ne savent s’ils sont sincèrement aimées ou pas, qui sont déprimées, qui se sentent assujetties ou encore dont les enfants sont désobéissants, peuvent se rendre chez lui et son associé malien pour lever le mauvais sort et retrouver le bonheur.

Et on parle de hautes technologie, de ports en eaux profondes, de pôle financiers alors que nos ingénieurs sur lesquels nous dépensons des milliers de dinars se reconvertissent en derviche et dans le mauvais sens. Miskina ya Tounes.