Pouvons-nous faire confiance à la justice dans notre pays ? Au lieu de faire justice, la justice est-elle devenue une arme de destruction massive utilisée par leurs ennemis d’antan et par beaucoup «d’amis», le cas des Trabelsi.

Les Trabelsi – que nous ne disculpons pas dans l’absolu, mais que nous n’avons pas non plus le droit d’enfoncer – ont été au cœur des campagnes politiques de pseudo-leaders portant haut et fort l’étendard de la lutte contre les malversations, le népotisme et la corruption ! Parmi leurs prétendues victimes, il y en a qui leur couraient après. Des courtisans s’adonnant à mille pirouettes pour avoir leur appui, s’associer à eux dans leurs «funestes affaires» et lesquels, après avoir rampé devant eux, ont été les premiers à s’acharner contre eux et à s’associer aux maîtres du jour.

Il y eut aussi les « Robin de bois » des temps modernes, maîtres de la lutte contre la corruption et contre le clientélisme à tel point que, aveuglés par la haine, ils sont devenus incapables de discerner le vrai du faux. Ces « chevaliers justiciers » n’ont pas été gênés par les pratiques mafieuses des classes dirigeantes d’après le 14 janvier 2011. Des pratiques que leur envierait feu Pablo Escobar ! La faillite de l’Etat, inondé depuis plus de 10 ans par des donations et des prêts, des centaines de millions de dollars et d’euros partis en fumée ou dans les poches des nouveaux arrivants en étant la parfaite illustration.

Mais ce n’est pas le propos, notre propos est l’état de la justice dans notre pays. Une justice qui serait dévoyée, aux ordres, idéologisée et politisée. Hors, une justice indépendante «permet de mesurer la place du droit et de la justice dans la société et reflète en même temps le degré de démocratisation du système politique et le niveau atteint dans la construction de l’État de droit. Si elle est perdue, tout est perdu : le droit, les libertés, la sécurité, la démocratie et de façon générale l’État de droit » (lire ici).

Pour juger les oppresseurs d’hier, il aurait fallu une justice au-dessus de tout soupçon, une justice qui ne soit pas vindicative, intéressée ou aux ordres comme celle appliquée sur les criminels nazis ou encore sur ceux qui ont pratiqué l’apartheid pendant des lustres en Afrique du Sud. Martin Luther King disait qu’«une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier».

Et c’est le cas de le dire pour ce qui est de la justice en Tunisie dont l’image est ternie à l’international à cause des différentes postures et jugements à l’encontre de la famille Ben Ali. Une justice qui ne protège pas les plus faibles aujourd’hui est incapable de protéger ceux pensant être forts maintenant !

Pourquoi parler prendre les Trabelsi comme exemple ? Parce que ce sont les plus vulnérables aujourd’hui, ceux sur lesquels s’est acharnée la Tunisie entière, contre lesquels on s’est adonné à des pratiques indignes des démocraties et de la démocratie qu’on prétend être et défendre.

La justice doit protéger les plus faibles malgré tout et envers et contre tous !

Les exemples des injustices commises depuis 2011 sont édifiants et pas seulement ceux à l’encontre des Trabelsi. Nous pouvons citer la mort douteuse de feu Jilani Dabboussi, ou encore les humiliations subies par les anciens ministres de Ben Ali emprisonnés pour avoir été hauts commis de l’Etat ou pour des infractions mineures. Robespierre vivant au 21ème siècle n’aurait pas fait mieux !

Ce que nous voyons aujourd’hui en Tunisie est, comme le dit Wembo Jah Olela, « une justice aveugle et parfois sourde. Elle ressemble par moment à une borgne, hémiplégique et malentendante ». Les exemples sont plus qu’éloquents ! Feu Mourad Trabelsi était atteint d’une insuffisance respiratoire de plus de 80%, il était bleu disent des témoins et serait mort de suffocation sans recevoir les soins nécessaires !

Feu Moncef Trabelsi a été ramené en prison 48 h après une opération sur le cerveau. Même Jésus de Nazareth n’aurait pas pu le sauver d’une mort certaine.

Feu Mohamed Naceur Trabelsi a été relâché pour être convoqué devant les juges 51 fois en une année et demie. Pourquoi l’avoir relâché dans ce cas ? Pour l’enterrement du défunt, les services municipaux de Tunis ont creusé une tombe de 1,50 mètre sur 50 cm de profondeur ! Tant de haine est inimaginable !

Et on se demande ensuite pourquoi la France refuse l’extradition de Belhassan Trabelsi. Il faut être fou pour ne pas réaliser que le monde entier ne voit pas dans la justice tunisienne une garante des droits de tout individu à des procès équitables.

Aussi bien l’Association que le Syndicat des magistrats ont une responsabilité historique morale dans la revalorisation de l’image des juges pour que les fondamentaux soient respectés et au moins que la forme soit respectée. Si nos magistrats manquent de formation, il faudrait peut-être solliciter des lignes de financement publiques ou même internationales pour les en faire profiter. S’ils sont idéologisés et prennent position au mépris du respect de la loi, les temps sont venus pour rétablir l’ordre dans un secteur terni par les actes de juges inconscients de leurs rôles et de la noblesse de leur tâche.

Loin de vouloir entrer dans des polémiques en rapport avec la manière dont certains de nos juges exercent la justice et la rendent, il est bon de rappeler que dans presque tous les pays du monde on prononce presque le même serment avant d’embrasser la carrière de juge : « Je jure solennellement que je rendrai la justice sans faire de distinction entre les individus, que je traiterai de façon égale les pauvres et les riches, et que je m’acquitterai scrupuleusement et avec impartialité des responsabilités et devoirs qui m’incombent conformément à la Constitution ».

Dans notre pays, les juges qui trônent dans les tribunaux décidant de mort et de vie sont-ils conscients de la lourdeur de leur tâche et de l’importance de leurs responsabilités ?
« En l’absence de magistrats intègres, les mécanismes et garanties consacrés dans la législation tout comme les règles concernant l’administration de la justice ne peuvent être qu’inopérants », disait Walter Samuel Nkanu Onnoghen, président de la Cour suprême du Nigéria.

Prions pour des magistrats intègres dans la Tunisie d’aujourd’hui même si les chemins sont escarpés et la route est longue.

Amel Belhadj Ali