(CHRONIQUE) – Tunisie  : Monsieur le Président, vous ne m’inspirez pas confiance !

Quoique jugé de par trop démagogique, votre discours d’investiture, où vous tonniez les mots, où vous  annonciez des promesses «juteuses» à un peuple qui avait soif de justice, d’intégrité, d’honneur et de bonheur, avait suscité en moi l’espoir. J’ai bien voulu vous croire Monsieur le Président.

Mais…

Vous qui avez été choisi par près de 3 millions de Tunisiens pour “vos mains propres“ et élu par des électeurs tellement désespérés par la gangrène de la corruption qu’ils ont oublié que pour diriger un Etat, il faut plus que la propreté des mains, ne me convainquez pas !

Vous qui avez promis à vos concitoyens, et en prime aux jeunes, monts et merveilles, ce qui dépasse de loin vos prérogatives, ne m’amadouez pas !

Vous qui avez prétendu que vous faisiez cavalier seul alors que nous avons découvert derrière vous nombre de meneurs dont des machines électorales qui relèvent presque de l’occulte et dont vous ignoriez peut-être même l’existence, ne me tranquillisez pas !

Vous qui prétendez être le Président des misérables et assurez vouloir renforcer les droits et les acquis des femmes, ne me persuadez pas ! Et savez-vous pourquoi ? Parce que vous êtes constitutionnellement dans l’incapacité de réaliser les attentes des premiers et encore moins celles des femmes ! Alors pourquoi autant de fausses promesses monsieur le Président ? Devons-nous attendre la série de référendums que vous avez dit être prêt à opérer ?

Vous qui vous adressez à vos adorateurs dans un arabe lyrique les impressionnant et les renvoyant à leur manque de culture littéraire toutes langues confondues leur faisant avaler des mots qu’ils ne comprennent même pas mais qui vous mystifient, ne m’impressionnez pas, monsieur le Président ! Et vous savez pourquoi? Parce que nous sommes la génération qui a fait ses premières armes sous le règne du despote éclairé Bourguiba qui, lui, nous a appris l’amour des études, de la culture et des langues, monsieur ! Bourguiba était l’universalité, mais vous, vous êtes dans la logique chauviniste, monsieur ! Une logique qui pourrait bien nous renvoyer dans l’ère obscurantiste, monsieur ! Vous ne parlez même pas au peuple que vous aimez tant dans son dialecte ! Serait-ce innocent ou parce que pour avoir des adulateurs il faut de grands discoureurs ?

Et pourtant, que n’aurions-nous pas fait pour que nos discoureurs deviennent des bâtisseurs !

Et parlant de bâtisseurs, savez-vous, monsieur, que la diplomatie est une image que l’on construit au fil des décennies et que les protocoles font partie des us et usages hérités depuis des siècles ?

Vous ne m’inspirez pas confiance, monsieur !

Votre cabinet, que nous attendions formé des meilleurs, n’en grouille pas, pour notre grand malheur ! Pire, vous n’êtes pas dans le respect des us et usages protocolaires, monsieur ! On n’accueille pas un ministre allemand des Affaires étrangères arrivant de Libye et portant le dossier le plus lourd de la région en l’absence de son homologue tunisien, même si vous et les vôtres ne l’aimez pas ! Il s’agit d’Etat, monsieur, et les affaires de l’Etat ne se traitent pas de façon aussi peu cavalière, monsieur ! Pire, vous l’accueillez en présence de l’ambassadeur de Tunisie en Iran ! Vos conseillers issus du milieu diplomatique ne l’avaient pas relevé ? Ou compteriez-vous, aussi, révolutionner les traditions diplomatiques planétaires, monsieur !

Mieux encore ! Un président qui a déclaré, en prêtant serment : «Nous devons nous unir contre le terrorisme pour mettre fin à toutes ses racines et ses causes», ne peut accepter de limoger son ministre de la Défense, lui-même démissionnaire, après avoir discuté avec lui pendant 1 heure pour le convaincre de rester au poste !

Etes-vous sous influence, monsieur ?

Parce qu’un président qui sait son pays menacé par les hordes des terroristes qui sévissent sur toutes ses frontières aurait pensé à ce cher peuple et à ces jeunes soldats avant de prendre une décision aussi pressée, monsieur !

Parce qu’un homme d’Etat aurait tempéré son enthousiasme ou celui de ses proches pour dire que l’intérêt de la nation est au-dessus de tout, et que dans un gouvernement de gestion des affaires courantes, on ne dégomme pas un ministre de souveraineté par un coup de fil, monsieur !

Mais il n’y a pas que cela ! Lorsque vous aviez prêté serment à l’ARP, vous n’aviez cessé de citer le mot “devoir“, monsieur, et votre premier devoir est celui de préserver la mémoire de la Tunisie ! Une mémoire que vous venez de bafouiller par votre première décision ! Waw quel exploit ! Changer le lieu des déclarations officielles à l’issue de vos rencontres avec vos hôtes préférant une porte fermée à une prise de plan devant le portrait du premier Président Habib Bourguiba ! Vous ne faites ainsi que raviver son parcours et son histoire dans le cœur et l’esprit de ceux qui respectent l’histoire !

Quant à la liberté d’expression, je n’y crois plus, monsieur, car aujourd’hui, toutes les voix et les plumes libres sont menacées, et si ce n’est par les entourloupes légales, c’est par les armées cybernétiques gérées par certains blogueurs payés au prix fort pour vendre liberté et patrie !

Vous croyez pouvoir nous défendre, monsieur ?

Enfant du peuple, je vous promets, moi, que les aspirations du peuple ne peuvent être réalisées par des discours irréalisables, des haltes «surprises» ou des aller/retour entre le palais de Carthage et votre lieu de résidence !

Le peuple a besoin de plus ! Il a besoin d’une vision, d’un projet et de beaucoup d’amour, et les notes que l’on entend au palais de Carthage ne semblent pas en être l’écho, monsieur !

La Tunisie a besoin d’un compositeur et d’un chef d’orchestre. Monsieur, pensez-vous pouvoir l’être ?

Amel Belhadj Ali