Depuis 2011, les incitations à la haine contre les journalistes servent les adversaires des réformes

L’incitation à la violence et les agressions contre les journalistes ne servent, depuis  2011, que les adversaires d’une véritable réforme dans tous les domaines, y compris celui de l’information.

Les organisations de défense des droits humains soussignées expriment leur profonde préoccupation au sujet des incitations à la violence  et des agressions dont la Tunisie est le théâtre, particulièrement depuis  la proclamation des résultats des élections législatives et présidentielles et qui ciblent  des journalistes et des commentateurs de stations de radio et de chaînes de télévision privées.

Tout en exprimant leur conviction que les médias sont tenus de respecter  la déontologie journalistique et d’avoir une attitude positive à l’égard des décisions prises par les instances de régulation, les organisations soussignées soulignent que l’incitation à la violence et les agressions contre les journalistes ou les commentateurs – quel que soit leur manquement à la déontologie journalistique ou leur implication dans des campagnes de désinformation ou de diffamation à l’encontre de candidats aux élections – sont considérés comme une violation flagrante de la liberté d’expression et une menace pour la sécurité des travailleurs dans le secteur de l’information.

Par ailleurs, ils ne servent, en dernière analyse, que les intérêts des lobbys et des partis politiques qui ont entravé, depuis 2011, les efforts sérieux destinés à réformer tous les secteurs, dont celui de l’information,  et à les protéger de la propagation de la corruption. Ces lobbys et ces partis ont également empêché, depuis des années,  la mise en place de  La Cour constitutionnelle.

Les organisations soussignées expriment, en outre, leur étonnement face  aux déclarations  vagues et pernicieuses du  président du «Conseil de « la Choura » du Mouvement Ennahdha, Abdelkrim Harouni, recueillies récemment par Radio Diwan et relatives à la nécessité de faire  du secteur de l’information, dans les délais les plus brefs,  « l’un des instruments de la révolution » et de remplacer la HAICA par «  une instance en phase avec les exigences de la prochaine étape » et avec « la volonté du peuple ». Cela  n’est pas sans rappeler les slogans et les pratiques des régimes politiques qui sont les plus despotiques du monde et qui violent le plus   la liberté d’expression et la liberté de presse.

La   vague d’incitation à la violence et des agressions de ces  derniers jours rappelle, à titre d’exemple, les faits survenus  de 2012, quelques semaines après la constitution du gouvernement de la « troïka », jusqu’à la période antérieure aux dernières élections présidentielles et législatives parmi lesquels :

  • l’orchestration de campagnes d’incitation à la violence et d’agressions à l’encontre des journalistes, les velléités  hégémoniques visant les médias publics et plus particulièrement l’Établissement de la Télévision nationale et les menaces de vente de médias publics au secteur privé,  brandies par le président du Mouvement Ennahdha Rached Ghannouchi dans une déclaration faite en 2012 à deux journaux du Golfe.
  • La primauté accordée aux critères de l’allégeance et de l’obéissance au détriment des critères de la compétence et de l’indépendance d’opinion quand il s’agit de procéder à des nominations à la tête de médias publics ou de médias confisqués comme Dar Assabah et Radio Zitouna,
  • Le refus de tenir compte des recommandations de l’Instance nationale de réforme de l’information et de la communication (INRIC) et les entraves à l’application des deux décrets-lois 115 et 116 publiés en 2011 et relatifs à la liberté de la presse écrite, de la presse électronique et de la communication audio-visuelle, dans le but de préparer le terrain à la création de stations de radio et des chaînes de télévisions appartenant à des partis dont la chaîne de TV Zitouna  qui a fait, en violation à la loi,  allégeance au Mouvement Ennahdha ,
  • L’hégémonie permanente et indue du Mouvement Ennahdha sur la radio Zitouna confisquée en 2011,
  • L’indifférence  ou le soutien de gouvernements et de partis influents au sein de l’Assemblée constituante et ensuite au sein de l’Assemblée des représentants du peuple à des stations de radio et des chaînes de télévision hors-la loi et faisant fi des  recommandations et des décisions de la HAICA (haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle).
  • Les pressions accrues exercées par la  Présidence du Gouvernement et de la Présidence de la République sur des médias publics, et particulièrement l’Établissement de la télévision tunisienne  et l’Agence Tunis Afrique presse pour influencer  leur ligne éditoriale sans compter le souci de placer  l’intérêt  de certaines stations de radio et chaînes de télévision privées au détriment de l’intérêt des médias nationaux, et le limogeage du Président Directeur général de l’Établissement de la télévision nationale en 2015 parce qu’il a défendu l’indépendance de la ligne éditoriale de ce média.
  • La multiplication des parodies de consultations gouvernementales au sujet de questions fondamentales relatives à l’information et les tentatives menées depuis 2017 pour substituer, au décret-loi 116 relatif à la liberté de la communication audio-visuelle et à la création de la HAICA, une autre loi de régulation  moins protectrice du paysage audiovisuel et une nouvelle instance de régulation qui place l’intérêt des patrons des radios et des chaînes de télévision privées et appartenant aux partis au- dessus de l’intérêt des médias audiovisuels publics  et du droit des Tunisiennes et des Tunisiens à une information de meilleure qualité, plus respectueuse de leur intelligence ainsi que des normes de la profession journalistique et de sa déontologie.

Les organisations des droits humains soussignées  appellent toutes les composantes de la société civile à davantage de vigilance  et à œuvrer en commun pour préserver les acquis dans le domaine de la liberté d’expression, de la liberté d’information et des libertés académiques considérées comme un pilier fondamental dans toute société démocratique, et pour les protéger contre les pratiques de partis qui ont entravé, dans le passé, toutes les tentatives sérieuses de réforme de l’information et qui ont remporté, au début du mois courant, des élections législatives boycottées par la majorité des citoyennes et des citoyens inscrits sur les registres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections.

Organisation signataires :

 

–        Association tunisienne de défense des libertés individuelles

–        Association tunisienne de défense des valeurs universitaires

–        Association des femmes tunisienne pour la recherche sur le développement

–        Association Free Sight

–        Association Lam Echaml

–        Association tunisienne de prévention positive

–        Association pour la promotion du droit à la différence

–        Association tunisienne de soutien des minorités

–        Association Vigilance pour la démocratie et l’Etat civique

–        Centre de Tunis pour la liberté de la presse

–        Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie

–        Coalition tunisienne pour l’abolition de la peine de mort

–        Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives

–        Forum des femmes tunisiennes

–        Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme