Cannes 2019 : Fiction “Tlamess” d’Alaeddine Slim, l’éloge de l’errance humaine

Le réalisateur tunisien Alaeddine Slim a présenté mardi au cinéma la croisette son film “Tlamess” en compétition à la 51ème Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes.

La première de ce long métrage de fiction a été projetée en séance matinale à laquelle ont assisté plusieurs tunisiens présents à Cannes. L’équipe du film a fait son apparition sur scène avant et après la projection.

Alaeddine Slim aime attribuer à ses personnages une dynamique sur écran en les mettant toujours en mouvement. Cette approche est parfaitement incarnée par le personnage principal. Il suit la trajectoire des événements et campe dans un rôle assez dur, complexe à voir et à interpréter.

Il est ce soldat lassé de traquer des terroristes et de passer ses jours dans un coin perdu au Sahara tunisien, et décide de tout quitter. Il finit par devenir la cible d’une descente musclée de l’armée puis de la police pour le faire livrer à ses subordonnés militaires.

Déserter son poste de militaire pour habiter la forêt serait une aventure hors normes à laquelle s’associent l’actrice Souhir Amara, l’algérien Khaled Ben Aissa et l’égyptien Mohamed Meniawi, un jazzman qui est à son premier rôle dans le cinéma.

Se mettre complètement nu et montrer un personnage saignant qui fuit vers l’inconnu ou allaiter un bébé par un homme est une scène qui reprend parfaitement l’orientation cinématographique audacieuse du réalisateur. Son approche ne reconnaît pas les limites moralistes sur le grand écran: l’approche du réalisateur est à l’écart de la norme suivant laquelle sont généralement traitées les questions de l’époque.

Le film place le personnage dans son environnement local et explore l’infinie beauté du cadre naturel tunisien. L’être humain se montre dans tous ses états, de force et de faiblesse, dans un monde de plus en plus difficile à vivre.

“Tlamess” d’Alaeddine Slim est une fiction peu séduisante à voir mais porteuse d’un message dans une approche pas toujours appréciable à suivre.
Dans ce sens, le réalisateur dit privilégier cette volonté à être le plus libre possible. La Tunisie d’Alaeddine Slim dans “Tlamess” est cette terre de toutes les contradictions entre ceux qui gouvernent et ceux qui subissent, ceux qui vivent et ceux qui fuient.

Le beau cadre naturel visible dans le film, constitue un atout dans la mise en scène. L’image dans l’univers fictif de ce jeune réalisateur donne une toute une autre dimension au réel. Entre le silence de son héro et la richesse de la nature, il crée implicitement de nouveaux personnages.

Cependant, certaines approches sont peu compréhensibles pour le réalisateur lui même et pour lesquelles il avoue ne pas avoir de réponses. Son premier souci serait avant tout de “créer un monde propre au film”, sans se soucier du reste. Il donne libre interprétation à celui qui regarde cette approche cinématographique.

Pour certains, le film serait “un ovni” qui, selon le réalisateur “est créé le temps d’une année et demi à la base d’une réflexion mûrie qui remonte à plus de dix ans”.

La sensibilité humaine est présentée selon une lecture assez poussée dans la symbolique qui accompagne chaque scène du film dans de gros plans et un langage qui se fait par les yeux.

La première partie du film fonce dans l’inconnu du personnage initial et fait vivre cette quête de soi qu’il ne trouve pas. Le fond musical électronique aide à se situer dans cette errance pas du tout confortable de ce militaire déserteur.

Les choix visuels sur lesquels le réalisateur a fondé la structure du film ont été bien exploités. Alaeddine se dévoile encore plus dans cette fiction (après son premier film “The Last of Us”, primé du Lion du Futur à la Mostra de Venise 2016) donnant à voir un réalisateur qui n’adopte pas les codes du milieu.

“Tlamess” en dialectal tunisien serait l’équivalent de jeter un sort. Plus qu’un un mot, Tlamess renvoie à toute une culture que le réalisateur transmet inconsciemment dans ce film “fruit de fatigue et de beaucoup d’amour”, comme il l’a confié. La fiction d’Alaeddine Slim est un monde à part: elle n’est ni réel ni imaginaire mais une sorte d’ovni selon l’expression d’un spectateur.