La chambre criminelle spécialisée dans la justice transitionnelle près le Tribunal de première instance de Tunis a décidé jeudi de reporter l’examen de l’affaire de l’assassinat du leader politique Salah Ben Youssef à une date ultérieure.
Des militants des droits de l’homme, des représentants de la société civile et des membres de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), ont assisté à l’audience publique, laquelle a bénéficié d’une large couverture médiatique.
Lors de l’audience, le fils du leader assassiné, Lotfi Ben Youssef a fait son témoignage sur les circonstances ayant entouré l’assassinat de son père Salah Ben Youssef et évoqué les souffrances endurées par sa famille suite à ce drame, saluant le soutien apporté par les autorités égyptiennes (sous le règne de Jamal Abdennasser, Anouar el-Sadate et Hosni Moubarak) à sa famille.
Il a également évoqué les propositions faites par les régimes libyen et algérien en soutien à sa famille.
Le fils de Salah Ben Youssef a révélé que l’ex-président Habib Bourguiba avait empêché toute aide à sa famille venant de parties à l’intérieur du pays.
Les avocats de la défense ont appelé dans ce sens à la tenue d’un vrai procès et non à une simple audience publique pour présenter des témoignages.
Ils ont souligné l’impératif d’émettre des mandats d’amener à l’encontre des personnes inculpées dans l’assassinat et qui sont encore en vie.
Les avocats réclament également la consultation des archives du ministère de l’Intérieur et celui de la Télévision tunisienne, dont notamment le discours prononcé par Habib Bourguiba à l’Institut de Presse et des sciences de l’information qui contient ses aveux quant à sa responsabilité dans cette affaire.
Dans une déclaration accordée aux médias à l’issue de l’audience, Lotfi Ben Youssef a accusé ouvertement l’ancien président Bourguiba d’être le commanditaire de l’assassinat de son père, considérant cette première audience publique comme un ” évènement historique ” important qui tourne autour de l’assassinat d’un opposant politique et implique comme principal accusé, un président de la République.
” Malgré son absence, le principal accusé avait reconnu de son vivant avoir joué le rôle de coordinateur dans l’affaire de l’assassinat de son rival politique et ce, dans une conférence qu’il avait tenue en décembre 1973 à l’Institut de Presse et des Sciences de l’information “, a indiqué Lotfi Ben Youssef.
De son côté Afif Ben Youssef, membre du comité de défense de feu Salah Ben Youssef, a fait observer que l’affaire s’inscrit dans le cadre du processus de la justice transitionnelle dans le but de révéler les vérités et d’éviter ainsi aux générations futures de commettre les mêmes erreurs du passé ou encore de résoudre leurs conflits au moyen de la liquidation physique.
” Les investigations ont confirmé que c’est bien l’ancien président Habib Bourguiba qui a autorisé l’assassinat de Salah Ben Youssef “, a lancé l’avocat de la défense, tout en relevant l’implication de pays étrangers dans ce crime, à savoir : La France, l’Allemagne, la Suisse, et les Etats-Unis.
Afif Ben Youssef a précisé que les accusations ont été classées à l’encontre des trois principaux accusés à savoir Habib Bourguiba (cerveau de l’assassinat), Hassan Ben Abdelaziz El Ouerdani et Béchir Zarg Laayoun qui sont tous morts.
Concernant les trois autres inculpés ayant commis le crime politique, à savoir Abdallah Ben Mabrouk El Ouerdani, Mohamed Ben Khlifa Mehrez et Hmaida Binterbout, l’avocat a exigé qu’ils soient amenés à la salle d’audience étant donné qu’ils sont encore en vie.
Khaled Krichi, membre de l’IVD, a estimé que le procès de l’assassinat de Salah Ben Youssef est historique et se déroule dans le cadre de la justice transitionnelle et sous la supervision de la chambre judiciaire spécialisée.
Le leader politique Salah Ben Youssef, est l’un des chefs de file du mouvement national tunisien et du Néo-destour. Il a été assassiné par balle dans l’un des hôtels de la ville de Francfort en 1961.