Les Tunisiens à l’étranger ont rendez-vous avec les élections nationales

Depuis le 10 avril dernier, date d’ouverture de l’inscription sur les listes électorales en vue des élections législatives et présidentielle tunisiennes devant avoir lieu en octobre et novembre prochains, des associations, des partis politiques ainsi que des citoyens résidant à l’étranger ont appelé l’ISIE à mettre en œuvre de toute urgence l’ensemble des moyens nécessaires qui permettront aux Tunisiens expatriés de participer à ces échéances essentielles de la vie politique tunisienne.

Ils demandent, notamment, la mise en place extrêmement rapide des instances régionales (IRIES) pour assurer le bon déroulement de toutes les phases de ces élections et aussi de lancer une campagne de communication destinée à sensibiliser les électeurs quant à l’importance majeure de ces élections.

La correspondante de la TAP à Paris a recueilli de nombreux témoignages de Tunisiens vivant en France. La plupart d’entre eux ont exprimé une très grande amertume liée, en premier lieu, à la situation sociale et économique qui règne en Tunisie, laquelle ne cesse de se dégrader depuis 2011.

Beaucoup disent ne plus avoir confiance dans les politiques et leurs promesses, puisque, ces dernières toujours selon eux, sont oubliées aussitôt les urnes refermées, d’ou leur désintérêt pour les élections. Sur un plan pratique, ils stigmatisent l’absence des agents de l’ISIE pour superviser l’inscription sur les listes électorales dans les bureaux des missions diplomatiques de la Tunisie à l’étranger.

Président de l’association ” Twenssa en France ” et journaliste à Radio Soleil à Paris, Amine Abdelli va dans ce sens et prévoit ” qu’il y aura une grande réticence au niveau de la participation des Tunisiens à l’étranger aux élections 2019, à cause de la perte d’espoir qu’un changement se fasse vers le mieux en Tunisie, outre les complications de leur démarche pour l’insciption aux élections”.

Et d’expliquer “l’ISIE a non seulement confié l’inscription de la diaspora aux consulats, mais elle a mis en place un système d’inscription en ligne qui ne fonctionne pas comme il faut “. D’après la correspondante de TAP, ce point aurait été résolu voici peu.

Abdelli ajoute en la déplorant : ” l’absence de campagnes de sensibilisation aux élections cette fois-ci, contrairement aux échéances précédentes quand il y avait un interlocuteur qui représentait l’ISIE dès le premier jour de l’inscription aux élections ” ainsi que ” la communication avec les médias et les tribunes en ligne pour sensibiliser les électeurs à exercer leur droit de vote…”.

De surcroît, il a évoqué un autre problème de communication entre les Tunisiens en France et leurs représentants au parlement tunisien, précisant que ” ces derniers réapparaissent maintenant pour renouveler leur mandat alors qu’ils étaient absents depuis leur élection et n’ont pas tenu leurs promesses vis-à-vis de ceux qui ont voté pour eux… Pire encore, certains ont trahi leur confiance en changeant de parti politique ensuite, faisant ce qu’on appelle du tourisme politique”.

Pour Wissem Essid, porte-parole de l’association Solidarité Citoyenne : ” D’une campagne électorale, on retient surtout des formules et des promesses qui ne sont pas tenues. ” Et de souligner : ” la cour constitutionnelle n’a toujours pas vu le jour, le pouvoir d’achat est à son niveau le plus bas, le taux de chômage n’a jamais été si élevé, le vivre ensemble est plus que menacé… La situation si délicate de la Tunisie et ce climat de méfiance générale font que près des 2/3 des électeurs ne savent pas encore à qui accorder leurs suffrages. Le taux de participation et la tendance globale restent les grands inconnus de cette élection ! “.

Essid reste cependant quelque peu optimiste, car pour lui : ” Il y a toujours une part de rêve dans chaque campagne électorale. Après les élections, on ne demande pas aux élus de continuer leurs campagnes, mais plutôt de faire ce qu’ils ont promis… Comme les agents de l’ISIE ne sont pas encore présents à l’étranger, et en l’absence de campagne de sensibilisation jusqu’à maintenant, nous proposons à l’ISIE de prolonger les délais d’inscription pour les tunisiens à l’étranger, afin de donner plus de chance aux électeurs pour s’inscrire. Si les électeurs ne se reconnaissent plus dans le paysage politique actuel, ils doivent aller voter, même pour voter blanc. ”

Pour sa part, Mohamed Habib Sassi, le Consul de Tunisie à Pantin (la banlieue nord-est de Paris) a indiqué : ” Au niveau du consulat, l’inscription ou le renouvellement de l’inscription aux élections se déroule d’une manière normale et nous n’avons pas enregistré de doléances. Nous avons mis à la disposition des électeurs qui veulent s’inscrire un bureau et la même personne qui s’était déjà occupée des élections en 2014 et 2011. L’absence des agents de l’ISIE pour s’occuper de cette action ne dépend pas de nous.

“Nous respectons parfaitement l’indépendance de l’ISIE, notre association avec cette instance ne dépasse pas l’aspect logistique. Actuellement nous sommes en phase d’inscription, sachant que de nombreux électeurs le font en ligne, mais pour le vote c’est l’ISIE qui s’en charge totalement. Nous, en tant que mission diplomatique du ministère des affaires étrangères, nous allons l’aider auprès des autorités françaises afin d’avoir des bureaux pour organiser le vote et apporter nos services aux Tunisiens de l’étranger”, a-t-il dit.

Par ailleurs, Adel Brinsi, membre de l’ISIE, a précisé ” que l’association de l’ISIE avec le ministère des affaires étrangères est conforme à la loi ” et confirmé ” que le rôle de l’exécutif ne dépasse pas l’assistance logistique. S’il est vrai que nous ne sommes pas encore présents à l’étranger, nous essayons de l’être dans les plus brefs délais. Nos agents vont rejoindre bientôt les bureaux d’inscription dans les consulats. L’inscription au vote dans les missions diplomatiques ne peut en aucun cas nuire à l’indépendance et à la transparence de l’ISIE. ”

“Pour l’inscription des Tunisiens à l’étranger nous comptons plutôt sur le système que nous avons mis en ligne. C’est vrai qu’au début il y avait un problème de fonctionnement, mais nous l’avons réglé. Concernant les chiffres, sur les presque 800.000 électeurs tunisiens potentiels qui vivent à l’étranger près de 400.000 ne figuraient pas encore sur les listes électorales. A ce jour, nous avons enregistré l’inscription de six mille trois cent d’entre eux dont plus de la moitié en ligne. Mais tout cela reste très faible. Pour y remédier, nous comptons lancer des meetings avec les associations tunisiennes présentes à l’étranger et communiquer plus afin de sensibiliser les électeurs”.

“Quant aux bureaux de l’ISIE à l’étranger, nous les ouvrons pour le vote mais pas pour l’inscription, a-t-il ajouté. Sachant qu’aux législatives, la diaspora tunisienne vote pour élire 18 députés qui la représenteront au sein du parlement”.

Il faut noter que la clôture des inscriptions sur les listes électorales aura lieu le 22 mai 2019.