En cette sixième journée de campagne, les représentants des différentes listes candidates sont faiblement présents au Bardo.
“Généralement, ils se déplacent en fin d’après-midi pour rencontrer les électeurs qui font souvent leurs courses à la sortie des bureaux”, constate le propriétaire d’une boutique de friperie qui ne désemplit pas. Il était presque 10h00.
Tout le long de l’Avenue Habib Bourguiba et des rues et ruelles avoisinantes, jusqu’à Bardo centre et Place du Bardo, rien n’indique que la campagne est en marche, à l’exception des échanges furtifs entre citoyens dans ce que l’on appelle aujourd’hui “le marché”.
Une suite sans fin d’étals anarchiques qui depuis près de vingt-ans a détrôné l’ancien marché municipal du Bardo, situé quelques mètres plus loin.
Pour eux, les attentes sont de taille: la réhabilitation des “Hnayas”, aqueduc romain qui conduisait l’eau aux multiples vertus de Zaghouan vers la capitale, transformé aujourd’hui en une décharge anarchique.
Des quantités de déchets, ménagers et de construction, sont déversées chaque jour à l’extrémité du tronçon du site archéologique…que seul un mur sépare des habitations.
“L’odeur nauséabonde de la fumée noirâtre arrive jusqu’à nos chambres à coucher et perturbent notre sommeil en particulier durant l’été parce que des citoyens et parfois même des agents de la municipalité ont décidé de se débarrasser des déchets par le feu”, regrette une des habitantes.
“Nous sommes souvent obligés de sortir avec nos tuyaux d’arrosage pour éteindre le feu, laissant derrière un désolant paysage”.
Une autre habitante, Naima, s’est plainte des oliviers qui ont pris racine sur les arcades et qui menacent de faire écrouler tout le monument. “Nous avons écrit au ministre de la Culture pour l’avertir mais il s’est contenté, en réponse, de nous remercier pour l’intérêt porté à l’édifice”, a-t-elle ironisé.
Dans d’autres lettres, les habitants attirent, vainement, l’attention sur l’Etat de délabrement de l’aqueduc qui n’a jamais suscité suffisamment d’intérêt.
Jadis, les gens des différentes régions venaient piqueniquer aux alentours de cette zone, connue sous le nom de Villa persane, a regretté une autre dame. Sa famille habitait le Bardo depuis 1956, date de sa naissance.
En plus de son travail d’éducatrice, Saida est active dans la société civile et s’intéresse de près au domaine du développement personnel.
Sans chercher à diminuer l’importance des élections municipales, elle a insisté sur le rôle des citoyens et celui de la société civile dans l’amélioration du cadre de vie.
J’avais organisé des campagnes de ramassage de déchets le long de l’aqueduc, mais cet effort ne suffit pas, ce monument a besoin d’urgence de maintenance et d’entretien, a-t-elle soutenu.
Aujourd’hui, je suis prête à faire du porte-à-porte et à collecter des fonds pour sauver ce patrimoine, a-t-elle ajouté.
De plus, les habitants de la ville du Bardo n’ont plus la possibilité, comme auparavant, de faire de la marche étant donné le nombre des trottoirs investis par les voitures et les terrasses de cafés et la disparition des espaces verts et des zones piétonnes, constate-t-elle.
“Le Bardo devait aussi sa réputation à ses belles villas enveloppées d’orangers et de citronniers, avec des clôtures toutes vertes”. Ines regrette “la prolifération agressive” des immeubles plantés à la place des villas situées sur l’Avenue Habib Bourguiba, et qui, selon elle, ont défiguré le cachet de la ville.
Moncef, père de famille quadragénaire dit suspecter “un trafic juteux” de ces villas, d’ailleurs, très prisées par les immobiliers.
Certains interviewés face à un dilemme: pour quelle liste voter ?
“Malgré le nombre de listes, il me semble qu’il n’y a pas de choix”, lance Jalila une sexagénaire retraitée de la poste, qui avoue hésiter entre deux listes.
Car pour toutes ces personnes interrogées aux alentours d’une grande surface du Bardo, où étals de fruits et légumes et montagnes de fripe s’entremêlent, la priorité est surtout d’ordre environnementale.
“A commencer par cet endroit où l’espace réservé aux marchands de légumes est quasi vide, au profit des étals anarchiques qui débordent jusqu’à l’avenue”.
Attiré par la discussion, un passant s’est retourné pour soulever, dans la foulée, l’incertitude quant à l’aboutissement de la crise persistante entre le syndicat et le ministère de l’éducation.
“Nous sommes surtout inquiets pour l’avenir de nos enfants, le reste, on s’en fout ! “, a-t-il lancé sans s’arrêter.
Il est vrai que de l’avis de ce petit rassemblement de curieux cherchant à apprendre davantage sur l’utilité des élections municipales, la crise de l’éducation a jeté de l’ombre sur ces élections.
“Nous avons l’esprit ailleurs en raison de cette question épineuse, je voterai volontiers pour qui me promettra une solution radicale et définitive à ce problème récurent”.