La Tunisie a traîné à réviser les lois répressives, selon HRW

Les législateurs tunisiens ont fait d’importants progrès pour consolider les droits des femmes et des détenus, mais n’ont pas réussi à mettre en place certaines institutions clés prévues par la Constitution pour protéger les droits humains, comme la Cour constitutionnelle, a constaté Human Rights Watch (HRW).

Selon son 28e rapport mondial de 643 pages dédié aux pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays, Human Rights Watch a estimé que les législateurs ont adopté des lois qui menacent la transition démocratique, comme la loi sur la réconciliation administrative, qui accorde l’amnistie aux fonctionnaires accusés de corruption.

” Les législateurs s’apprêtent aussi à adopter un projet de loi qui consacre l’impunité des forces de l’ordre et criminalise l’expression pacifique “, a-t-elle regretté.

” La Tunisie avance tous azimuts. Tantôt elle prend de bonnes voies, tantôt elle prend les mauvaises voies “, a indiqué la directrice de Human Rights Watch à Tunis, Amna Guellali.

L’adoption d’une loi qui accorde l’amnistie aux fonctionnaires accusés de corruption et le projet de loi qui criminalise toute critique à l’encontre de la police représente, selon elle, de mauvaises résolutions adoptées par le législateur tunisien.

Adoptée en janvier 2014, la constitution tunisienne prévoit la création d’une Cour constitutionnelle dotée du pouvoir d’abroger les lois qui ne seraient pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. Pourtant les autorités n’ont toujours pas mis en place cette cour ni désigné ses membres, lit-on dans le même rapport.

En matière de droits des femmes, la Tunisie continue à montrer l’exemple au sein du monde arabe, a déclaré Human Rights Watch. Le 26 juillet, le Parlement a adopté une loi complète destinée à lutter contre la violence à l’égard des femmes, comprenant des dispositions pour prévenir les violences, protéger les rescapées et poursuivre les auteurs de ces abus. La loi a également annulé une disposition du Code pénal qui permettait à un violeur d’échapper aux sanctions pénales s’il épousait sa victime.

HRW a rappelé que le 14 septembre, le ministère de la Justice a annoncé qu’il avait abrogé une directive de 1973 interdisant le mariage d’une femme tunisienne à un homme non musulman.

D’un autre côté, les autorités ont continué à se servir du Code pénal pour sanctionner des discours pacifiques. Des policiers se sont servis de l’article 125 du Code pénal, qui pénalise l’” outrage à un fonctionnaire public “, afin d’arrêter des personnes qui s’étaient querellées avec eux, avaient suivi leurs ordres trop lentement ou bien avaient porté plainte contre des policiers.

Certaines de ces personnes ont été poursuivies par la suite, voire emprisonnées.

Le Parlement a adopté la loi n°2017-62, ” relative à la réconciliation dans le domaine administratif “, qui protège des poursuites judiciaires les fonctionnaires qui ont été impliqués dans la corruption et le détournement de fonds publics, mais sans en retirer de bénéfices personnels. Cette loi sape le travail de l’Instance de la vérité et de la dignité, instaurée en 2014, qui est compétente pour enquêter à la fois sur les anciennes violations des droits humains et sur les délits économiques, lit-on de même source.

Bien qu’il ait accepté une recommandation, lors de l’examen périodique universel de la Tunisie auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies au mois de mai, le poussant à mettre immédiatement fin à la pratique des examens anaux destinés à ” prouver ” l’homosexualité, le gouvernement n’a encore pris aucune mesure concrète pour tenir sa promesse. Les autorités ont continué à poursuivre les hommes supposés homosexuels en vertu de l’article 230 du Code pénal, qui punit la ” sodomie ” d’un à trois ans de prison, selon la même source.