“Le radeau”, la pièce qui a été présentée mercredi soir au théâtre de plein air de Hammamet dans le cadre de la programmation indoor de la 53ème édition du FIH, est une œuvre, réalisée à partir d’un projet rêvé par feu Ezzeddine Gannoun et mise en scène par Cyrinne Gannoun et Majdi Abou Matar, d’après une dramaturgie de Souad Ben Slimane.
Le cadre de la scène de Hammamet, a offert à la pièce des éléments naturels qui ont formé un tapis sonore adéquat qui a corsé de façon sublime l’atmosphère de l’horreur des traversées clandestines ponctuées de drames, de souffrance et de désespérance.
Le bruit des vagues qui viennent mourir sur les côtes d’Hammamet, le vent qui soufflait à une vitesse de six nœuds à bâbord, donnait aux spectateurs l’impression d’un radeau balloté par la mer, se laissant bercer par l’ambiance particulière de ce radeau qui flotte et dérive sur l’air du temps en pensant à tous ces gens qui livrent leur destinée à la mer.
Les comédiens Bahri Rahali, Nada Al Homsy, Abdelmonem Chouayat, Rim Hamrouni, Oussema Kochkar, Mariam Darra, Guy Essonossé, Sophia Moussa, ont campé les rôles des Harragas qui font le récit des histoires qui les ont poussés à effectuer cette traversée et de leurs rêves qui ont viré au cauchemar.
Le jeu dont les codes nous renvoient au langage théâtral du Théâtre Organique d’Ezzeddine Gannoun, s’apparente à une chorégraphie où les corps des comédiens se balancent, s’immobilisent, et où chacun doit porter sa peine, affronter son calvaire. Les corps se meuvent lentement, se tordent. La parole réapparaît.
Les visages immenses sont dédoublés et changeants. Ils semblent observer et commenter, et même ordonner, ce qui se passe au centre du radeau où la masse grouillante se détache parfois la singularité d’un corps et d’une histoire. Le tout est présenté dans une pièce bouleversante où les rescapés ont toujours l’occasion de raconter le périple qui changera à jamais le cours de leurs vies. Mais l’histoire de la ” Harga ” ne prend pas fin avec la traversée et laisse l’interprétation du sort de ces clandestins libre aux spectateurs.
La présentation de cette pièce a été précédée par la performance ” For the absent one ” conçue comme une expérience audio par les artistes de théâtre Abdullah Alkafri (Syrie), Moez Mrabet (Tunisie), Jon Davis et Jonathan May (Royaume-Uni). Des casques audio ont été distribués aux spectateurs pour écouter le récit ” des absents ” qui est une réponse au resserrement des bordures et des restrictions sur les déplacements. Le public a écoute les voix en mouvement de ceux qui ne peuvent pas se déplacer librement.