Justice : Quand une employée du Tribunal de Carthage exige une tenue «décente» pour vous livrer vos papiers

“JE DENONCE, JE ME SUIS FAIT INTERDIT L’ACCES A UNE ADMINISTRATION étatique A CARTHAGE CAR MA ROBE ARRIVAIT A MON GENOU, JE DIS BIEN GENOU.”

Une agent voilée m’a violemment dis que je n’étais pas respectable: ma robe devait arriver aux mollets ! Voilà les pratiques sournoises ou comment transformer une société. Ce statut Facebook a été posté lundi 12 juin par une dame citoyenne tunisienne, si l’on veut! Car aujourd’hui, la citoyenneté diffère d’une personne à une autre selon qu’elle se soumette aux règles vestimentaires des «islamiquement corrects” ou pas!

L’article 14 de la constitution consacre pourtant la neutralité de l’Administration à laquelle on n’a pas donné les prérogatives d’une police vestimentaire! Il y est stipulé que «L’administration publique est au service du citoyen et de l’intérêt général. Elle s’organise et fonctionne suivant les principes de la neutralité, de l’égalité, de la continuité du service public, et en conformité avec les règles de la transparence, de l’intégrité, de l’efficacité et du questionnement». Dans un autre article de la constitution on stipule que «Les citoyens et les citoyennes sont égaux dans les droits et dans les devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans distinction. L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les droits, les libertés individuelles et collectives. Il leur assure les conditions de la vie digne”

On oublie souvent que nous sommes majoritairement musulmans dans ce pays!

Que s’est-il passé en Tunisie pour que depuis 2011, nous n’arrêtons pas d’être confrontés à des situations où certains individus se prennent pour les gardiens de la morale et des bonnes mœurs ? Est-ce à dire qu’une grande partie de notre peuple est débauchée? Ou plutôt que la théorie du vers dans le fruit se traduit aujourd’hui par des actes nocifs qui empoisonnent notre quotidien?

De quelle morale parle-t-on lorsqu’une dame se présente à une administration publique qui plus est, est un tribunal, où l’on doit être garants de la justice et se voit intimer l’ordre de s’habiller «décemment» parce que la longueur de sa robe ne dépasse pas les genoux ? Selon quels critères, on a décrété que c’était interdit par la loi ? Et qui décide si une personne est habillée décemment ou pas ? Et ce, à partir du moment où sa tenue n’est pas choquante et ne provoque pas le gourou des nouveaux conservateurs dans un pays qui s’est toujours prévalu d’un modèle sociétal ouvert et tolérant et où le respect des choix vestimentaires des uns et des autres est de mise.

Myriam Kallel, (Voir vidéo) s’est vue refuser le certificat de nationalité dont a besoin son fils à deux reprises pour cause de «tenue non décente» selon la fonctionnaire qui, paraît-il, décide de tout au tribunal cantonal de Carthage !

Allez vous plaindre au Palais !

La deuxième fois accompagnée de journalistes et d’une représentante de la société civile, et se présentant avec la même robe, elle s’est vue intimer l’ordre de porter un pantalon. Les gardiens de la morale au tribunal lui ont même demandé d’enlever ses lunette de soleil et l’ont prévenu quant à l’impossibilité pour elle, d’accéder même à un bureau de poste vêtue ainsi !!!

Alors que Mme Kallel éconduite et appelée à se couvrir les jambes, sortait pour se procurer un timbre fiscal, nous avons vu la “policière vestimentaire” entourée des siens, corporatisme oblige, adresser un signe de victoire à sa victime et aux témoins qui l’ont accompagnée !

De retour, nous avons demandé à voir la juge, son supérieur hiérarchique, pour vérifier avec elle les soubassements légaux de pareils comportements. Un officier de police, très poli et très courtois, a pris une carte d’identité et une autre de visite pour les présenter à madame la juge et nous a prié d’attendre. Et quelle ne fût notre surprise lorsque la gardienne des tenues “décentes” du tribunal est revenue pour nous dire que la juge refuse de nous recevoir :”S’il ne s’agit pas d’une question qui vous concerne à titre personnel“, nous rétorquons que nous sommes des journalistes et que nous voulons avoir des informations et savoir s’il y a une loi qui interdit cette tenue, elle riposte : vous pouvez faire ce que vous voulez dans la rue, mais pas ici, ici ce n’est pas une association, mieux encore, si cela ne vous plaît pas,  le palais! (Il ksar) se trouve un peu plus en avant. Authentique!

Pendant ce temps, Mme Kallel, munie du timbre voulait récupérer le certificat de nationalité, et de nouveau, c’est une fin de non recevoir :”les employées m’ont dit, qu’elle leur a interdit de me la livrer“!

Elle sort donc bredouille sans le certificat de nationalité pour la ènième fois. Madame la fonctionnaire en a décidé ainsi!

Monsieur le Président de la République garant des droits des Tunisiens, Monsieur le Chef du Gouvernement et monsieur le ministre de la Justice, si une simple fonctionnaire peut faire ce qu’elle veut dans un tribunal, comment pouvons-nous garantir que les juges soient impartiaux, équitables et agissent sans aucune distinction entre les Tunisiens?

Messieurs, comment se sentir en sécurité et rassurés si la Justice et L’Etat de droit sont devenus un vœux pieux ?

Messieurs dames les magistrats, est-ce ainsi que vous voyez votre noble métier? Vous, qui êtes censés protéger les droits des citoyens et des contribuables, pouvez-vous accepter qu’une concitoyenne soit touchée dans sa dignité et son statut de tunisienne respectable?

Où va notre pays ? Où va la Tunisie? Où va la patrie ?

Amel Belhadj ALI