Tunisie : “La Belle et la Meute” en avant-première à Cannes 2017

De l’affaire du viol de la jeune fille connue sous le pseudonyme “Mariem” par trois policiers à Tunis, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2012, s’est inspirée la réalisatrice Khaouther Ben Hania dans son nouveau film de fiction “La Belle et la Meute”.

Présenté en avant-première au 70ème Festival de Cannes, ce drame de 1h 40min a été diffusé, en deux séances, vendredi, à la salle Debussy à Cannes. Ce long-métrage de fiction est en lice dans la compétition “Un certain regard” au Festival de Cannes, parmi 16 films étrangers dont deux seulement du Monde arabe, la Tunisie et l’Algérie.

Dans cette coproduction tuniso-française, de cinétéléfilms et Tanit Films, le casting réunit Mariam Al Ferai dans le rôle de “Mariem “, Ghanéen Zella, Noomane Hamda, Chedli Arfaoui, Anissa Daoud, Mourad Gharsalli et Mohamed Akkeri, décédé le 28 avril dernier à seulement 39 ans.

Cette fiction évoque le drame de Mariem, jeune fille tunisienne, dont la vie bascule après le viol qu’elle a subi par deux policiers en service, à Ain Zaghouan en banlieue de Tunis. Une longue nuit d’enfer pour Mariem qui a vu sa dignité attaquée, ses droits bafoués et sa liberté confisquée.

Son drame ne s’arrêtait pas là, puisque la jeune femme devrait affronter sa douleur, sa honte et le regard parfois injuste de la société pour se lancer dans une lutte acharnée dans les coulisses des tribunaux pour qu’enfin justice soit rendu, mais à quel prix.

Entre les commissariats de police et les centres hospitaliers, le supplice de Mariem se prolonge tout au long du film, reproduisant le cycle des épreuves subies par la jeune victime secouée par le poids de toute une société accablée par les préjugés et l’obsession du corps féminin.

Un standing ovation du large public français présent, qui avait suivi la projection du film, a été rendu en guise de salut pour toute l’équipe du film présente sur place.

Emue, Khouther Ben Hania a loué les efforts des différents intervenants dans la scène cinématographique tunisienne qui oeuvrent à la promotion des productions nationales à l’échelle internationale, dont la productrice Dorra Bouchoucha et le réalisateur Ferid Boughdir, présents lors de la séance de projection.

La réalisatrice qui n’est pas, complètement, limitée aux détails ayant entouré l’affaire, dit avoir “ouvert la voie à son imagination pour montrer l’atrocité du viol dans cette affaire qui avait alors occupé l’opinion publique, avec toute la douleur physique et psychique subie par la victime”.

Invité du festival de Cannes parmi d’autres cinéastes internationaux auxquels un hommage sera rendu pour l’ensemble de leurs oeuvres cinématographiques et l’empreinte laissée dans l’histoire de ce festival septuagénaire, Ferid Boughdir a mentionné à l’agence TAP que la réalisatrice a présenté une oeuvre basée sur un jeu d’acteurs réussi et sur le mouvement de la caméra, ce qui a donné lieu à des séquences des plus vibrantes.

D’un point de vue critique, le cinéaste a regretté le fait que l’élément essentiel dans l’affaire originale soit omis puisqu’il n’y a eu aucune référence à la peine affligée, après deux ans de démêlés avec la justice, aux deux policiers qui ont écopé de 12 ans de prison ferme, chacun.

Il a, dans ce sens, estimé que la cinéaste devrait ajouter une légende dans le sous-titrage à ce propos afin que la Tunisie ne soit pas perçue en tant que pays qui tolère l’impunité selon ses propos.

Khouther Ben Hania revient avec ce “thriller âpre et féministe ” selon la critique parue hier dans la presse française, dont le thème ne sort pas de son orientation dans son premier long-métrage “Le Challat de Tunis” (2014), une légende urbaine qui s’intéresse à la vie des femmes dans la société tunisienne avec humour et satire “.

La réalisatrice habituée à ce genre de films, en partant du réel vers la fiction, a choisi de traiter l’affaire du viol de “Mariem”, sans pour autant chercher à donner des solutions ou à se conformer à l’histoire réelle. La technique cinématographique chez elle, s’installe dans la tendance très adoptée par la nouvelle vague du cinéma mondial qui coupe avec les techniques des anciens surtout ceux du cinéma tunisien.

Après “Zeineb n’aime pas la neige”, Tanit d’Or des Journées cinématographiques de Carthage 2016, “La belle et le meute” attendra le verdict du jury de la catégorie “Un certain regard “, présidé par l’actrice américaine, Uma Thurman.

Il est à noter que la sortie du thriller “La Belle et la Meute” est prévue pour le mois d’octobre prochain dans les salles françaises.